CERSEI — NOTHING

NOTHING

Pour les plus courageux seulement, voilà ce qu'il y a de plus détaillé sur Cersei ; on peut la connaître profondément comme ça et peut-être apprendre à l'aimer avec ses défauts. Mais ce qu'il faut savoir surtout, c'est que j'ai pris un plaisir immense à écrire son histoire.

Chapitre 1 : Disponible.

NOTHING

Ça blesse.
Ça blesse si fort. Ça tape dans ses veines, coule le long de sa colonne sous la forme de mille perles de sueur. Elle a chaud. Si chaud que sa bouche est pâteuse et que sa langue tirée ne lui apporte que la saveur brûlante de sa propre peur. Elle se répand dans tous ses organes alors que les crampes dans son bas-ventre grandissent et deviennent plus importantes. Elle croise deux yeux argentés qui l’étudient avec précaution. Il n’ose pas s’approcher. Ses prunelles cachent une sombre violence qu’il ne connaît pas à sa compagne — une haine qui l’embrase seulement quand elle souffre à l’excès ; déjà lors de son premier accouchement, ses billes avaient été menaçantes.
Depuis, il se méfie. Il garde ses distances, demeurant dans la tanière pour la soutenir mais ne la touchant pas. Elle paraît interpréter les contacts comme une agression envers elle qui est dans une position de faiblesse. Il y a deux ans, Opale avait planté ses crocs immaculés dans la chair tendre de sa gorge quand il avait esquissé un mouvement vers elle.

Il l’entend haleter et pleurer. Il ne peut pas la consoler, il n’a pas les mots ni même l’imagination pour se figurer ce qu’elle endure. Il est seulement contraint de l’accompagner sans être en mesure de la réconforter. Ses sanglots grandissent et attirent quelques curieux qui se penchent dans l’entrée de la tanière surchauffée. Aussitôt, Opale dévoile ses canines rutilantes et gronde. On recule et on jette un coup d’œil à Penumbra qui hausse doucement les épaules.

— Vous avez besoin d’aide ?
— Pas de la tienne. Dégage !

Il reluque sa compagne qui essaie de se lever en vociférant, le poil gonflé et l’instinct en branle. Elle n’est plus elle-même. Les autres lui parderont sans doute ses paroles un jour. Il l’appelle dans un murmure, lui assurant que personne ne veut de mal à leurs petits à naître. Elle se recouche, un peu plus loin dans le refuge. L’odeur de sang plane et prend à la gorge. Il se sent nauséeux, et elle se recroqueville en gémissant. Les contractions sont de plus en plus proches. Les mômes sont sur le point de venir au monde mais tardent tellement à pointer le bout de leur nez.

Au bout d’une heure, les plaintes à peine audibles se sont muées en cris de désespoir. Le guérisseur tente de pénétrer dans la tanière pour assister l’accouchée, sauf que celle-là refuse catégoriquement sa présence à ses côtés. Elle craint pour la survie de ses enfants, encore plus depuis que les précédents sont morts.
Dans un nouveau hurlement plus grave et déchirant que tous les autres, Opale sent ses entrailles se diviser enfin et expulser un premier rejeton. Un parfum nauséabond se répand dans la galerie étroite. Les relents d’un cadavre, il paraît. Penumbra a le cœur qui se serre et les poumons qui stoppent leur cadence ; il envisage la possibilité que leurs descendants soient trépassés. Encore une fois. Comme s’ils étaient maudits.
Sa compagne se tortille sous les assauts de la nature qui veut la tuer et se penche de telle sorte à pouvoir saisir l’enfant entre ses crocs et la ramener à ses côtés. Elle le lèche. Les larmes coulent sur ses joues. Elle aussi le pense déjà emporté par la faucheuse. D’imperceptibles mouvements leur donnent cependant tort ; l’aînée remue finalement avec faiblesse, ouvrant la bouche pour râler sous les coups de langue. La joie s’éprend du couple dont les âmes sont guéries par ce constat. Penumbra pousse un soupir de soulagement et Opale un sanglot de bonheur. Le travail se poursuit, signe qu’un autre bébé essaie de sortir. Habituée à la douleur, la chasseuse a moins de difficultés à donner naissance au second.

Le temps paraît s’arrêter. Les deux filles sont maintenant à leurs côtés. Tristement, le géniteur ne peut pas s’en approcher avant quelques jours. Il le sait, la paranoïa de sa compagne finira par s’estomper quand elle sera sûre que les petites louves survivront. Même le guérisseur est chassé alors qu’il cherche seulement à faire son travail en vérifiant l’état de santé de la progéniture. Durant trois nuits, Penumbra est condamné à dormir à l’entrée de la tanière ; de là, il peut couver son amour et leur précieux trésor sans mettre la mère mal à l’aise.
Son premier réflexe, pourtant, quand elle lui permet enfin de la rejoindre, c’est de la féliciter longuement par des cajoleries. Il se montre tendre et doux, répétant qu’il comprend et que ce n’est pas « grave » de le tenir à l’écart. Il embrasse ses filles, quoi qu’un peu déçu de ne pas avoir de mâle parmi ses descendants. Tant pis. Il est déjà bien assez heureux comme ça.