Phantom •• songe d'hiver

Tu ne te souviens de ton père que de par son regard d'or lumineux, brodé dans le mépris que tu lui inspirais. Tu lui ressemblais si peu, frêle créature aux yeux argentés, au pelage aussi blanc que le sien était ambre. Il t'avait choisi pourtant, désigné grand élu de la portée dans laquelle tu étais né. Tu étais le seul mâle et il t'avait arraché à ta mère, celle qui partageait ton regard, ton odeur et ta complicité. C'était le tribut qu'elle avait à payer pour qu'il la laisse en paix, pour toujours. Tu ne sais toujours pas ce qui te fit le plus mal : le dédain que tu inspirais à ton père ou l'instant où ta mère avait détourné son regard si similaire au tiens pour t'abandonner entre les pattes de ce dernier. Il ne lui avait fallut qu'un instant, mais tu n'avais jamais pu la détester, alors que tes deux petites sœurs grondaient, effrayées, contre le grand mâle qui n'était leur père que de sang. Tu les aimais, et pour ça, tu acceptas de les oublier.

Tu appris à te taire. Tu appris à éteindre la lueur dans tes yeux. Tu appris à subir. Tu avais échoué à rendre ton père fier, sans t'être rendu compte que c'était là un combat perdu d'avance. Il voulait faire de toi un chasseur, un guerrier, un loup que les autres craindraient. Il voulait survivre à travers toi, te forger à travers l'image déformée de son idéal malade. Mais le moule était trop rude et une ultime fois, tu le déçus.

Alors, lui aussi, il décida de t'oublier.

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Toi qui n'a ni famille, ni attaches, ni même un autre nom que celui que susurre le vent du nord à ton oreille, Phantom, Phantom, pourquoi es-tu donc si seul ? Fier danseur des glaces sans nul autre public que le silence, exilé d'une ancienne terre désormais oubliée, que cherches-tu ? Le pouvoir, la reconnaissance ? Tu grognes de désapprobation. Non, tu ne t'intéresses pas à tout cela. Après tout, n'est ce donc pas cruel que de vivre par le pouvoir pour ensuite se faire engloutir de tout son être ? Et tu marches silencieusement le long des montagnes de neige, solitaire, comme tu l'as presque toujours été. Tu marches doucement, sans te presser, avec comme amies les étoiles qui te guident et t'accompagnent. Tu laisses des traces dans ton sillage, dissipées petit à petit par les flocons virevoltant au gré du vent. Laisser des traces, voilà ce que tu recherches. Laisser des traces dans la mémoire de quelqu'un, car mourir dans la solitude est quelque chose qui t'insupporte. Alors toi, petit loup blanc que personne ne connait ni d'Eve ni d'Adam, tu t'aventures sur des territoires qui te sont inconnus, hurlant les nuits de silence, attendant désespérément une réponse à tes appels dans l'obscurité glaciale. Et tu en parcours, des terres, parfois même habitées. Et partout où tu vas, on te montre les crocs, on te rejette, on t'ignore, on te blesse.

Alors toi, petit loup blanc, tu continues de marcher, doucement, sans te presser, à ton rythme, déambulant dans ces contrées glaciales, avec tout le poids de ta solitude et de tes cicatrice, cherchant l'acceptation là où il n'y en a pas. Et puis, peu à peu, tu as fermé la grande porte de ton cœur, la condamnant avec un claquement sonore au goût de finalité. Tu pensais mourir ce jour là. Ta vision s'était assombrie à cause de ta marche trop longue, trop fastidieuse, trop vaine. Tu tombes. Et tu mourrais, à petit feu. Dans la neige qui t'était si familière, qui t'avait accompagné toutes ces années. Tu mourrais, avec comme seule compagne cette solitude qui t'insupportait tant, sans avoir laissé de trace dans la mémoire de quiconque. Était-ce donc ça, la banquise ? La fourrure de tous ces loups arctiques qui n'avaient su trouver quelqu'un pour se souvenir d'eux ? Tu voyais les flocons tomber doucement, sous tes yeux devenus vitreux. Et tu abandonnes. Après tout ce temps à parcourir ton chemin silencieusement sans ciller. Tu écoutes une dernière fois le chant du vent du nord avant de sombrer lentement dans les abîmes de l'inconscience.

« Reste avec nous, n'abandonne pas maintenant ! »

Tu reviens à toi. De la chaleur, une douce chaleur, tout autour de toi. Et tu les vois, ces loups, soucieux, t'observer. Et tu te fais une promesse. Celle que si tu survivais, jamais tu ne les abandonnerais.

Et ils te sauvèrent.