Torak somnolait. Allongé sur le sable chaud, dissimulé des regards par les carcasses qui l'entouraient, le mâle immaculé laissait les rayons du soleil lui réchauffait le pelage. Tout était de nouveau normal, la vie avait repris son cours et la sentinelle savourait ce calme nouveau. Il bailla longuement avant de redresser la tête pour arpenter les environs du regard. Il ne pouvait faillir à son devoir malgré son envie de rester là à se reposer. Et une petite silhouette au loin attira justement son attention. La sentinelle se redressa légèrement, plissa les yeux. Un louveteau Inkyva trottait joyeusement dans le sable, sa légèreté lui permettant de ne pas s'y enfoncer. L'insouciant se dirigeait droit vers la frontière. Torak soupira. Aussi pénible cela soit-il, surveiller et empêcher les jeunes de passer la frontière faisait partie des rôles des sentinelles. Tandis que le mâle s'étirait avant d'aller à la rencontre du louveteau, son regard fut attiré par un autre mouvement. Un second animal suivait le louveteau. Mais contrairement à ce que pensait Torak, il ne s'agissait pas d'un autre petit désobéissant. Il ne fallut qu'une fraction de seconde au mâle pour reconnaître le coyote. Aussitôt, Torak bondit sur ses pattes, tout à fait réveillé désormais. Puis, il s'élança vers le canidé à toute allure. Le sable volait dans son dos tandis que ses pattes creusaient le sable à chaque foulée, ses muscles puissants roulant sous son pelage pour lui permettre d'avancer à vive allure malgré cette contrainte. A larges bonds, la sentinelle fut bientôt assez proche du prédateur. Il banda les muscles de ses pattes et se propulsa vers le coyote. La masse du mâle percuta l'autre canidé de toutes ses forces et tous deux roulèrent au sol dans un nuage de poussière. Torak planta ses crocs dans l'encolure du coyote et le secoua en tous sens, tandis qu'il se tortillait pour éviter les ripostes de son adversaire. Les deux canidés se débattirent un moment au sol, échangeant coups de crocs et de griffes sous le regard effrayé du jeune loup qui avait maintenant remarqué la menace qui le guettait il y a quelques instants. Torak lâcha un grondement lorsqu'une morsure du coyote creusa un sillon dans son épaule si parfaite. Aussitôt, il saisit la gueule de l'animal entre ses puissantes mâchoires et serra jusqu'à entendre les os craquer. Le couinement du coyote résonna dans le désert tandis qu'il se dégageait de l'emprise du loup. Le petit canidé tenta de s'échapper, galopant le plus loin possible de son tortionnaire, mais Torak comptait bien le faire disparaître de ces terres. Il poursuivit l'animal à toute allure, rattrapant rapidement sa proie à l'aide de ses foulées plus larges et agiles que celles du coyote déjà en piteux état. Il bondit sur la croupe du petit animal et le plaqua au sol de tout son poids. Puis, sans plus attendre, la sentinelle planta ses crocs dans la gorge du coyote et lui trancha la jugulaire sans autre forme de politesse. Il releva la tête et laissa tomber l'animal, inerte, dans le sable qui avait pris une teinte vermeil. Haletant, Torak se retourna vers le louveteau d'un air sévère et s'en approcha à pas tendus. Le petit n'osait broncher, observant d'un regard suppliant le mâle, la tête basse et l'air honteux. Lorsqu'il fut à sa hauteur, Torak soupira longuement. «Tu aurais pu te faire tuer., lâcha-t-il. Si je n'avais pas été là, ce coyote t'aurais surpris et tué. Tu n'as rien à faire aussi près des frontières, c'est dangereux. Le jeune loup se ratatina davantage, espérant probablement s'enfoncer dans le sable pour échapper au sermon de la sentinelle. -Je ne recommencerai pas, promis !, gémit-il. Torak approuva d'un mouvement de tête. Il ne voulait pas être trop méchant avec le jeune Inkyva. Lui aussi était un louveteau turbulent il y a peu. Et sa sœur n'était franchement pas un modèle de sagesse non plus, bien au contraire. -Bien, dépêche-toi de retourner au camp maintenant. Allez, file, je vais finir mon tour de garde !, hâta-t-il le petit en le bousculant amicalement d'un coup d'épaule. Le louveteau ne se fit pas prier et déguerpit aussitôt, non sans jeter un dernier regard impressionné au cadavre du coyote qui gisait à quelques pas de là. -Merci !», chuchota-t-il avant de disparaître. Torak le garda sous surveillance jusqu'à ce qu'il disparaisse dans les fourrés et reprit sa marche. Il devait terminer sa patrouille désormais, s'assurer que d'autres prédateurs ne traînaient pas dans les parages. C'était son rôle de sentinelle après tout.