Nothing burns like the cold. || Chasses solo.

...But only for a while. Then it gets inside you and starts to fill you up, and after a while you don't have the strength to fight it.

"Salaij !" Ça lui perce la tête. Cette toute petite voix. Minuscule. Venue de l'au delà. Son nom qu'elle répète. Encore comme inlassable. Son nom en boucles et tourbillons, encore et toujours. Son nom en vagues qui s'échouent, brutales contre ses flancs sales. "Salaij !" De plus en plus fort. Sanglot de détresse au fond de la nuit sombre, et panique au bord de son cœur quand il appelle. "Belle, Belle, où es-tu Belle ?" Belle introuvable. Plus loin à chaque pas, à chaque fois. Perdue, perdue la voix alors qu'il court. Accourt. Se précipite sans trop savoir. Où il est. Où il va. Où elle est et pourquoi son cri lui broie l'esprit comme ça. "Salaij !!" De plus en plus faible. De plus en plus fort. Brouillé par l'écho et le peur qui hurle à pleine voix. Dans ses entrailles étranglées par un étau au gant de fer. "SALAIJ !" Ses yeux s'ouvrent en grand. Il se réveille, tout secoué d'un sursaut, le souffle rauque sur sa bouche. Et tout autour de lui c'est noir encore, mais ça semble n'être que ça depuis tout ce temps. Les terres rendues malades par un ver immonde qui les ronge, contre lequel tout le monde doit se battre. Parce qu'il faut bien vivre - survivre - et ne pas se laisser emporter comme c'est arrivé dans sa famille. Aussi il se lève Salaij, et ses pattes sont embuées encore du sommeil duquel il sort. Très peu agréable puisque la voix de la Belle résonne encore, terrifiée par un ennemi dont le Blanc n'a rien appris. Mais ce n'était qu'un mauvais rêve, il essaye de se le dire, et ne pas y penser est la meilleure des solutions.

Pourtant en se mettant en route il a l'esprit ailleurs. Passe par des endroits qu'il connaît mais ne les voit pas. Pas vraiment, se traîne. D'un coin à un autre, perturbé par cette voix qui résonne toujours. Salaij !!!

Il frissonne. Ses pattes le tirent vers les rives d'un bout de ruisseau qui s'écoule en chantant, et Salaij écoute. Se laisse bercer plusieurs secondes avant de s'approcher de l'eau, dans le plus grand Silence. Puis observe longtemps la surface, en se demandant bien ce qu'il fait là. Soupire si tristement que ça pourrait faire pleurer les arbres. Ne pas penser à ça, ne pas y penser. Plus facile à dire qu'à faire, parce qu'il a encore de plantée en lui la sérénade de la douleur. Qui perd ses notes de temps en temps mais le harcèle le plus souvent et rappelle. Rappelle sans cesse qu'il a perdu Ezeckiel, qu'il a perdu la Belle. Et Ashal la douce, où est-elle ? Le Blanc n'en sait rien et ignore s'il y a de la Vie encore en elle, secoue la tête et chasse les pensées. Pour de bon cette fois peut-être car il se concentre sur ce qu'il a devant les pieds.

L'eau et ses reflets. Et tout une vie dedans, qu'il observe grouiller au milieu des ombres du jour, du soleil pas levé. Oh comme il fait noir, Salaij n'aime pas ça. Plisse les yeux, l'attention toute dirigée. C'est à peine s'il ose respirer. Pourtant il faut bien, et il tente de ne faire aucun bruit lorsqu'il tend la patte vers l'un des poisson qui s'agite au milieu des autres. Il lui semble bien, moins rapide que les autres, car le loup n'a jamais pêché et si son frère était là il se moquerait de lui certainement. Silence ! Ses pensées font trop de bruit et son souffle ricoche à la surface, les nageoires s'affolent alors que sans comprendre comment il bascule vers l'avant.

L'écume vole dans tous les sens.

Davantage encore alors qu'au lieu de pester ou de s'ébrouer, il profite de la panique générale pour coller des coups de patte par ci par là, comme si ça allait fonctionner ; l'espoir d'un fou. Jusqu'au moment où il attrape quelque chose. Un corps frétillant entre ses crocs, qui se fermaient jusque lors sur le vide. L'eau glaciale qui le scie jusqu'à l'os. Un poisson, juste pour lui. Qu'il remonte sur la berge en tremblant légèrement.

Au moins, il se dit.
Au moins il se remplira le ventre aujourd'hui.

La voix, la nuit d'après elle fredonne encore, portée par le vent froid, venu s'échouer contre ses flancs. La voix, la nuit d'après elle gémit et sanglote mais ne crie pas, plus douce, plus calme, plus triste sans doute. Comme un fantôme gris qui hante ses rêves, étreint ses pas, et colle à sa peau si fort qu'il a, à chaque nouveau jour, une main glaciale posée sur son pauvre cœur. Pourtant ce matin elle l'extirpe avec douceur du sommeil, et Salaij son esprit est loin de l'angoisse de la veille. Il se redresse et s'étire, et entreprend de se nettoyer par quelques coups de langue rapide, avant de se mettre en route. D'un pas rapide, laisse la vitesse le porter et délier ses muscles endormi. Grand trot qu'il force, en poussant sur ses pattes, avec la folie des jeunes jours comme quand ils partaient dans une course, lui, Ezeckiel et la Belle, à vive allure près de la tanière.

Alors il se rappelle ces moments, et au lieu de s'en sentir mal ou triste, il laisse fleurir sur son museau blanc un sourire éclatant, accélère davantage encore jusqu'à prendre le galop. Sous sa fourrure les muscles commencent à chauffer et la bête en profite pour pousser un peu plus fort sur ses pattes arrières. Le cœur battant la symphonie, de plus en plus vite car il va trop rapidement. Ignore les branchages qui fouettent ses épaules, ses hanches qui dérapent un instant sur une parcelle de boue avant qu'il ne s'en échappe, court, court, court à en perdre le souffle, court, court, court à en paumer sa voix. Car l'effort le brûle, fait monter la rage dans ses entrailles. Il est à fleur de nerfs, et son corps réagit avant sa tête, évite d'un mouvement agile un arbre apparu juste devant lui.

Court, court, court toujours.

La langue pendante, l'air un peu bête. Deux fantômes aussi Blancs que lui à ses trousses, et leurs voix, "plus vite Salaij plus vite !" qui hèlent ses oreilles. Mais ont-ils déjà été si rapides, les Trois aux allures de Géants ? Il en doute le Nuage Blanc, et force un peu plus encore, oblige son corps à se soumettre. Ce matin après tout sa volonté est sans failles, sans limites. Il trébuche mais se redresse aussitôt, et ses halètements résonnent comme ceux de son frère, de sa sœur, de sa chair. Sans place aucune pour la peine, trop différent d'un jour à l'autre. Mais n'était-elle pas pire, la Belle ? Un jour avec ses larmes et celui d'après avec cette joie folle qui la faisait bondir partout, ou des fois une minute seulement, pour que tout change.

C'est peut-être de famille. Présentement cependant le loup Blanc s'en moque et fait trembler ses pattes en courant si vite. Il a l'air d'un fou. D'un fou qui ralentit à peine quand la rivière arrive devant lui, quand elle semble d'un coup si proche qu'il se demande comment elle a fait ça. Avant de comprendre. Que ses sens sont brouillés, sa vision étiolée. Parsemée d'un million de tâches sombres qui se renforcent encore, alors qu'instinctivement il bat des pattes, gauche droite gauche droite gauche droite, plus faiblement, au creux des flots bouillonnants.

Par où aller ?

Le Blanc ne sait plus bien, il aperçoit au milieu de son malaise un bout de berge qui lui tend les bras. Tire son corps avec ses dernières forces, épuisé, dans l'herbe grasse.

Son pauvre souffle se meurt pendant un long moment. Paupières closes, il fait un somme. Ou ça y ressemble, car il est attentif au moindre bruit. Ah, se moque la Belle, ça t'apprendras à faire le fou comme ça !
Même s'il sait qu'elle a raison, il voudrait qu'elle se taise.

...But only for a while. Then it gets inside you and starts to fill you up, and after a while you don't have the strength to fight it.

...But only for a while. Then it gets inside you and starts to fill you up, and after a while you don't have the strength to fight it.