L'astre lunaire luisait faiblement dans le ciel nocturne, ses rayons pâles étirant des ombres légères sur le sol. Une brise fraîche soufflait sur la clairière, apportant à la truffe de la chasseuse les odeurs qui l'intéressaient. Celle, forte et dominante, des Hommes. Celle plus marquée des chiens. Mais aussi celle des Inkyva. Midona et Pandora pour être exacts. Le bras-droit fixait de son regard d'acier le camp en contrebas, que seules quelques lampes éclairaient. La mission aurait pu être beaucoup plus compliquée si la lune n'avait pas été leur alliée dans cette longue nuit qui affaiblissait les humains, dont la vue était plus que médiocre dans la pénombre. La louve argentée s'ébroua sans un bruit, ôtant de son pelage les premiers flocons de neige qui tombaient depuis quelques minutes. Elle promena son regard sur toute l'étendue du camp et s'arrêta lorsqu'il se posa sur une grande tanière de peau. C'était là qu'étaient détenus les leurs, information qu'ils avaient obtenu lors de leur expédition de reconnaissance. Et il était plus que temps de leur venir en aide. Finwë se tourna vers les deux loups qui l'accompagnaient. Epsilon, toujours aussi déterminé à sauver sa compagne et sa fille, se tenait bien droit, le regard rivé sur leur destination avec un air féroce. Nul doute qu'il ne repartirait pas sans sa famille. Sa présence rassurait Finwë. Il avait prouvé ses valeurs de nombreuses fois et maintenant qu'elle lui avait accordé un peu de sa confiance, elle était ravie d'avoir un loup compétent à ses côtés pour ce genre d'entreprises risquées. Juste à côté d'Epsilon, un autre spectre immaculé imitait sa posture. Torak, le fils du mâle, avait insisté pour faire partie de cette mission. Il avait de bonnes motivations et avait sû détrôner tous les autres apprentis en obtenant son rang de sentinelle le plus tôt possible, et Finwë n'avait pu refuser son aide. Le novice pourrait se révéler utile tout en apprenant. La louve se tourna de nouveau vers le camp. Elle prit une grande inspiration, puis pointa ses oreilles vers l'avant. «Allons-y., annonça-t-elle. D'un bloc les trois Inkyva descendirent de la colline où ils se trouvaient. Tel des ombres, ils se glissèrent jusqu'au camp en rampant au sol, se dissimulant dans la végétation bordant l'endroit. Le camp était silencieux. De certaines tanières de peau s'élevaient de faibles ronflements. Les loups progressèrent lentement, prenant garde à chacun de leurs pas pour ne pas tomber dans un éventuel piège. Ils étaient presque arrivés à destination lorsqu'un grondement s'éleva devant eux, juste avant qu'un chien n'apparaisse dans leur champ de vision. Finwë et le canidé se jaugèrent longuement, la louve faisant résonner son grondement caverneux en guise de réponse à l'avertissement de l'autre. Soudain, le chien fit volte-face et se dirigea en courant vers le centre du camp. Ne voulant pas perdre de temps dans le cas où il serait allé avertir ses maîtres, les Inkyva accélèrent le pas et enfin, la grande tanière de peau se dressa face à eux. Ainsi qu'une dizaine de chiens. -Epsilon, Torak, vous pouvez gérer autant d'ennemis ?, s'enquit-elle dans un murmure. Les deux mâles acquiescèrent d'un mouvement de tête, et la louve posa de nouveau ses iris gris sur les canidés. -Occupez-vous des chiens et libérez Pandora. Je me charge de Midona. Puis, d'un geste brusque de la queue, elle ordonna aux sentinelles d'attaquer. Les deux loups se jetèrent en avant, la dépassant de chaque côté dans une bourrasque et, profitant de la confusion au sein des chiens, la louve s'élança vers la tanière de peau. Un jeune chien fonça sur elle depuis son flanc gauche, et Finwë se retourna d'un geste expert. Ses mâchoires se refermèrent sur la nuque encore frêle du jeune, et ses crocs s'y plantèrent solidement. D'une secousse brutale, la louve fit craquer les os du chien inexpérimenté et laissa retomber son corps inerte au sol avant de continuer sa progression. Ils n'avaient pas de temps à perdre, déjà des voix humaines s'élevaient au loin, alertées par les grondements et les aboiements des chiens. Finwë entra telle une furie dans la tanière de peau avant de s'arrêter en dérapant. Elle jeta un regard rapide à l'endroit avant de repérer une série de cages dont elle s'approcha immédiatement. Elle se dirigea vers celle dont émanait l'odeur Inkyva, et fit face à Midona. La guerrière ne dit rien, et Finwë se concentra sur la manière dont elle allait la sortir de là. Elle examina un morceau de la cage qui semblait bouger et qui permettait certainement aux humains de l'ouvrir. S'en saisissant entre ses crocs, Finwë tira de toutes ses forces en arrière, ce qui n'eut aucun effet. Elle agita sa gueule en tous sens et, après quelques secondes à se démener, parvint à activer le mécanisme qu'elle voulait, et la prison de fer s'ouvrit soudainement. Midona en émergea sans demander son reste, murmura un merci à Finwë avant de lui désigner deux autres loups captifs non loin. -Le roux est dangereux. Il a menacé la meute., l'informa-t-elle. Finwë observa le solitaire en question, qui observait la scène en silence. Elle se tourna de nouveau vers Midona. -D'accord. Va aider les autres dehors avec les chiens. Je vous rejoins rapidement et nous pourrons quitter cet endroit. La guerrière ne se fit pas prier et pivota aussitôt pour aller libérer sa fille. Lorsqu'elle fut hors de la tanière, Finwë se dirigea à pas rapides vers la troisième cage, passant devant le roux en l'ignorant. Elle s'arrêta devant le mâle au pelage noir qui se trouvait face à elle. -Encore toi., se contenta-t-elle de lâcher. Elle s'attaqua à l'ouverture de la cage d'Asplénium et parvint rapidement à libérer le solitaire. Avant de partir, elle lui lança un dernier regard. -Si l'envie te venait de nuire aux Inkyva un jour, j'espère qui tu n'oublieras pas ce que j'ai fait pour toi aujourd'hui., lança-t-elle. Puis elle repartit au pas de course à l'extérieur, laissant Asplénium se débrouiller seul à présent. Lorsqu'elle émergea de nouveau à l'air frais, Finwë avisa les autres Inkyva qui l'attendaient en trépignant. Pandora se tenait parmi eux désormais. Des cadavres de chiens jonchaient le sol tandis que les quelques rescapés avaient pris la fuite. Les bruits de pas humains se dirigeant vers eux arrachèrent Finwë à son observation. -Dépêchons-nous de quitter cet endroit !», s'écria-t-elle. Aussitôt le groupe prit la fuite d'un bloc, et les Inkyva galopèrent hors du camp, veillant bien à rester proches. Ils parvinrent à s'en sortir sans croiser d'humains et ne ralentirent l'allure qu'une fois bien loin du camp. Lorsqu'ils finirent par marcher calmement, Finwë reprit son souffle tout en avançant, satisfaite du succès de leur sauvetage.