Quatre ans qu’il était sur cette terre, quatre ans qu’il avait l’impression de tourner en rond. Plus le temps passait, plus il avait l’impression de vivre sans arrêt la même journée. Non pas qu’il s’ennuyait, mais il avait le sentiment que rien ne changeait, que rien était réellement comme il voudrait. En fait, en ayant quitté sa meute, il avait réellement le sentiment d’avoir tout perdu, d’avoir tout brisé en un quart de seconde. Il regrettait, réellement. Il ne regrettait pas le meurtre de Sinaë, elle le méritait, mais il regrettait son choix d’avoir tout quitté pour une foutue louve. Il n’aurait jamais du laisser son coeur s’ouvrir ainsi, il n’aurait jamais du laisser la porte s’entrouvrir. Elle l’avait forcé pour ensuite la défoncer et tuer tout espoir. Sincèrement, si elle n’avait pas été là, il serait sans doute Alpha à l’heure qu’il est. Il gouvernerait une meute, il serait resté sur ses terres. Mais maintenant, il ne pouvait plus revenir en arrière, il ne pouvait plus entrer sur ces terres, au risque de rencontrer son frère et de se faire massacrer. Mais un jour, il reviendrait. Un jour, il tuerait son frère et récupérerait ses terres. Il était Alpha un jour, il demeurerait Alpha toute sa vie.
Petit à petit, son corps se transformait autant que son mental se différenciait des autres. Il allait encore grandir au fur et à mesure du temps, il en était certain. Mais surtout, la haine des autres. En fait, plus les jours passaient, plus il avait le sentiment de disparaître dans un monde que seul lui connaissait. Il avait le sentiment de se reclure des autres, intimement. Mais pourquoi devenait-il ainsi ? Pourquoi détestait-il autant les autres ? Pourquoi détestait-il autant la proximité des autres ? Tout simplement car il ne voulait plus s’attacher, il ne voulait plus être blessé ni trahi. Il voulait se protéger, tout simplement. Il n’était pas si méchant, il avait juste peur. Un craquement se fit entendre tandis que le canidé blanc déposait un regard sur le sol : il venait d’écraser une carcasse de souris. Un soupir passa entre ses lèvres tandis qu’il secouait la tête. Ce monde était comme lui, en réalité. Il était autant dévasté intérieurement que extérieurement. Il finit par continuer de marcher, ignorant complètement le craquement du corps sous ses coussinets. Elle était morte, point. Tout comme son coeur, son masque et tout ce qui l’entourait.
Soudain, une odeur se fit sentir. Un mélange d’odeur, en vérité. Un mélange d’odeurs masculines, autant que féminines. Il regarda autour de lui, ne comprenant pas réellement où il était. Puis brutalement, les souvenirs apparurent, sans qu’il le veuille réellement. Sa vie dans une meute, sa vie avec ses parents alpha, sa vie avec son frère princier. Il se revoyait dans son pays, avec sa tanière, avec ses proies, mais surtout avec ses amis. Il revoyait ses chasses dans sa forêt natale, il revoyait sa mère lui ramener un daim. Il revoyait aussi son père donnant des ordres, ordonnant une attaque, mais surtout ordonnant une conquête. Il s’en voulait d’avoir tout perdu, réellement. En fait, il comprit : il était sur les terres d’une meute. Un petit sourire naquit sur ses lèvres. Voilà, il venait de pénétrer sur des terres qui n’étaient pas les siennes, des terres qu’il pourrait coloniser un jour, sans hésiter une seule seconde. Finalement, il continua de marcher, ignorant complètement où il était, ainsi que les odeurs. Soudain, une idée lui vint en tête. Une idée provocatrice, certes, mais une idée tellement bonne. Alors, il renifla le sol et quand une odeur d’urine se sentit, il leva la patte et urina dessus. Mes terres. Il venait de marquer son territoire sans même se poser une seule question. Il venait de blasphémer un territoire, en se moquant de la silhouette qui s’approchait derrière lui.