Like a mother [Défi de rang] - Solo

Kira & /

Certains événements sont capables de changer bien des choses, et en un seul instant, une vie peut basculer. Kira observait les premiers rayons du soleil à l'horizon, récupérant progressivement la vue grâce à la lumière de l'aube. Et tandis qu'elle admirait silencieusement cela, elle se remémora cette longue nuit.

La louve d'ébène dormait d'un sommeil profond lorsqu'un nouveau patient avait débarqué dans sa tanière. Aussitôt, elle s'était redressée d'un bond, se servant de son ouïe et de son odorat pour repérer le loup, ses iris rouges lui étant inutiles. Les informations fusèrent: louve, solitaire, juste en face. La louve en question haletait bruyamment, et ce fut avec difficulté qu'elle expliqua la raison de sa présence à Kira.
«Mes ... mes petits. Sauvez-les. Je vous en supplie !, gémit-elle.
Kira détestait soigner dans l'obscurité, car cela signifiait qu'elle ne pouvait compter que sur son museau pour sélectionner les bons remèdes. Elle aurait pu refuser d'aider la louve. Après tout, elle n'avait rien à faire sur les terres Agmark, elle n'avait aucune obligation envers une simple solitaire. Mais la guérisseuse avait été solitaire à son tour, et le ton suppliant de la louve finit de la persuader. Elle indiqua du museau une litière de mousse et de feuilles dans un coin de la tanière, dont elle connaissait l'emplacement exact, et entendit la louve s'y laisser tomber lourdement. Ses halètements s'intensifièrent, signifiant à Kira qu'elle devait se dépêcher. Elle ne tarderait pas à mettre bas. Mais quelque chose n'allait pas. La louve était beaucoup trop épuisée, ses petits auraient dû naître depuis un moment déjà. Ce qui ne signifiait qu'une chose: la naissance serait beaucoup plus difficile pour elle, et risquée aussi. Kira se rua sur ses plantes. De la truffe, elle toucha tout ce qu'elle trouvait dans sa réserve et en reniflait le parfum. Des baies, des feuilles ... OUI ! Elle tomba finalement sur l'odeur caractéristique des aiguilles vertes et en saisit délicatement quelques-unes, qu'elle alla ensuite infuser dans un morceau d'écorce rempli d'eau de pluie qui s'égouttait du sommet de la tanière. Elle poussa le récipient vers la futur mère et celle-ci lapa son contenu sans discuter. Cela permettrait de calmer la douleur. Maintenant, il ne restait plus qu'à attendre et espérer.
Les minutes s'écoulèrent dans une atmosphère tendue. Puis, l'odeur du sang atteignit le museau de Kira. Comprenant le signal, celle-ci s'approcha de l'autre louve, puis elle se saisit de la minuscule boule de poil qui en sortait et la tira pour la poser près du ventre de sa mère. Elle recommença pour le second et dernier louveteau. La solitaire se calma une fois les petits venus au monde, et le silence retomba dans la tanière. Le silence.
Il fallut quelques secondes à Kira pour comprendre qu'un autre problème venait de se présenter. Lorsqu'elle-même avait mis au monde ses petits, la première chose qu'ils avaient fait avait été de pousser des cris stridents. Mais les deux louveteaux solitaires étaient calmes. Trop calmes. Et bientôt la voix de leur mère s'éleva, confirmant ses doutes.
-Ils ne ... ils ne bougent pas., souffla-t-elle.
La louve épuisée n'avait pas la force de s'en occuper, et la réalité frappa Kira. Elle allait devoir s'occuper des petits comme si il s'agissait des siens le temps que la solitaire se remette. Une idée qui la répugnait, qu'elle avait refoulé sauf en cas d'extrême urgence. Cas qui venait de se présenter. Kira s'avança vers les louveteaux et les renifla de loin. Elle tenta de repousser les souvenirs qui se réveillaient dans son esprit. Se demanda comment elle allait procéder, elle qui ne s'était jamais occupée de louveteaux. Mais un instinct enfoui au fond de son être se réveilla, et Kira s'activa presque mécaniquement. Elle lécha vigoureusement les petits, les frictionnant par la même occasion. Les bouscula doucement du museau pour les inciter à bouger. Ses stimulations furent d'abord sans effet, puis, bientôt, un piaillement aigu sortit de l'une des petites gueules, bientôt suivi par celui de son frère. Ils étaient vivants. Bien.
Maintenant que le danger était passé pour eux, Kira se dirigea de nouveau vers sa réserve. Elle amena à la mère des aiguilles blanches, qu'elle lui ordonna de mâcher, afin de limiter le saignement dû à la naissance et de lui empêcher une hémorragie fatale. Il ne manquerait plus que les petits soient orphelins ...
-Repose-toi maintenant. Je vais m'occuper d'eux., dit la guérisseuse.
La solitaire acquiesça et commença à s'assoupir. Kira se dirigea vers les petits. Avec un soupir, elle s'allongea auprès d'eux, et bientôt ceux-ci s'approchèrent de son ventre. La louve se raidit lorsqu'ils commencèrent à téter, mais elle les laissa faire. Une fois repus, tous deux s'endormirent avec un soupir contre elle, se réchauffant dans son pelage. Comme si ils étaient ses propres petits.
Le lendemain, Kira avait accompagné la louve, qui allait beaucoup mieux, jusqu'à une tanière sûre en terres neutres, l'aidant ainsi à transporter les petits. Alors qu'elle s'apprêtait à repartir, la solitaire l'avait interpellée.
-Je tenais à vous remercier. Pour tout. Grâce à vous ils sont en parfaite santé. Vous feriez une mère formidable.», lui lança-t-elle.
Kira n'avait rien répondu, se contentant de lui rendre un sourire triste avant de s'en aller.

Assise devant sa tanière, l'astre brillant faiblement au loin, Kira se sentait coupable. Coupable d'avoir rejeté ses petits. Sa propre mère avait tout fait pour elle, et même si les choses s'étaient compliquées par la suite, elle avait toujours repoussé ses limites pour sa fille, et Kira l'admirait et l'aimait pour cela. Mais que devait penser Véga d'elle, qui avait fait tout le contraire ? Et ses petits, est-ce qu'ils la haïssaient ? Est-ce qu'ils savaient au moins que leur mère était toujours là, quelque part, et qu'elle ne voulait pas accepter leur existence ?
Ce jour-là, Kira prit une décision radicale. Elle irait à la rencontre de ses louveteaux. Mais pas maintenant, elle ne se sentait pas encore prête. Quand ils seraient en âge de la comprendre, elle irait les voir.