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SACRED EARTH [Solo]

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Anonymous

Mer 10 Oct - 12:13
SACRED EARTH
La fièvre était tombée.
Sonveen le savait à cause de ses sens éveillés et de ses muscles silencieux ; son corps semblait reprendre des forces après seulement quelques heures passées à côté de la louve aux yeux clairs. Il ne l’appréciait pas plus que cela, Sonveen, mais si elle avait des effets aussi bénéfiques sur lui, il n’allait sûrement pas se plaindre. Il ne se souvenait plus de ce qu’il s’était passé au cours de la nuit — sinon qu’il avait été arraché des bras de Morphée aux alentours de minuit, qu’il avait eu un besoin quelconque et qu’il s’était recouché aussitôt assouvi.
Il bâilla, les membres engourdis. Posé à l’entrée du terrier qu’il avait occupé avec Nala, le jeune mâle lança des œillades torves aux alentours. C’était calme, et la femelle s’était sauvée sans demander son reste. Elle était peut-être allée chasser, il n’en savait rien ; s’il était honnête, même, il dirait sûrement qu’il s’en fout un peu.
Il ne pleuvait plus, donc son périple pouvait reprendre.

Oui, il était plus que temps de reprendre sa route. Nala était une rencontre comme une autre, vouée à disparaître dans un nuage de fumée. Son esprit repoussa donc le souvenir de la fourrure immaculée et de sa voix mielleuse — Elle ne lui était pas nécessaire, pas vraiment. Il y avait eu ce poisson, cependant. Savoureux et gras, ce dont il avait besoin. Il se doutait que sa guérison lui était due, mais il ne savait pas pêcher.
Il pouvait apprendre, bien sûr, s’il n’avait pas un poil dans la main et si ça ne demandait pas de gros efforts de recevoir un quelconque enseignement de Mère nature seule. C’est à ce moment précis qu’une idée germa dans son esprit : la femelle avait l’air plutôt amicale et sans doute un brin naïve sur les bords. Il n’avait qu’à l’utiliser à sa guise. Il était passé maître dans ce domaine, elle ne serait pas plus difficile à dompter que son frère.

Content de son raisonnement, il laissa le refuge dans son sillage et s’élança vers la liberté qu’il retrouvait, maintenant soigné de ses quelques écorchures guerrières. Il redécouvrait avec un bonheur non dissimulé le plaisir de courir à perdre haleine, de prendre des accélérations fulgurantes pour mieux piller ensuite. Il esquivait les arbres par une magie mystérieuse qui laissait à croire qu’il était ou très chanceux, ou un génie.
Ils apparaissaient flous dans son champ de vision et avaient l’air d’une menace imminente quand il les frôlait de près. Il n’avait plus « joué » dans la forêt depuis son enfance, en réalité. Il se rappelait de quelle manière lui et son frère s’arrêtaient tout au bord de la falaise qui bordait l’énorme lac à côté de chez eux. À chaque fois, leurs cœurs s’emballaient et ils se demandaient lequel d’eux allait se casser la figure et tomber dix mètres plus bas.

Ce n’était jamais arrivé, naturellement.

Il se dépensa encore et encore toute la matinée durant, ne s’arrêtant que pour boire à des petits points d’eau plus ou moins propre qu’il trouvait, et pour reprendre son souffle. Il se sentait vivre à nouveau. Il décida donc de pousser les investigations et de continuer toujours plus loin. À mesure qu’il avançait, il remarquait que le paysage changeait étrangement ; des tours grisâtres se levaient, là sous ses yeux ébahis, et elles demeuraient immobiles. Ce n’était pas des nuages qui s’écroulaient sur terre, du coup. Il s’approcha prudemment, le corps rasant le sol et les sens aux abois. Il cherchait les odeurs mais ne trouvait que celles de la végétation et des animaux. Une autre, plus discrète, semblait venir du sol dur et sec sous ses coussinets. Il étudia un moment cette terre qu’il ne pouvait pas creuser, avant de s’engouffrer dans la ville avec une curiosité toute renouvelée.


Dernière édition par Sonveen le Mer 10 Oct - 14:21, édité 1 fois
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Anonymous

Mer 10 Oct - 14:10
SACRED EARTH
Vide, il n’était plus qu’une coquille complètement vide. Il n’y avait plus de Sonveen, seulement un animal lâché dans un univers inconnu. Il y marchait avec crainte, le corps tendu et les muscles bandés à l’excès ; c’était si serré dans son ventre que c’en devenait douloureux. Il y avait des relents familiers et d’autres qu’il ne pouvait pas identifier — Il comprenait néanmoins qu’il était à des milliers de kilomètres du monde des loups. Il arpentait des terres occupées par des choses bipèdes dont les corps sentaient sans doute - à l’époque - le pétrole et le bitume.
Il se sentait minuscule face aux bâtiments en ruine. Et, chaque seconde, il était obligé de faire attention où ses pieds se posaient. Il y avait du verre éparpillé comme autant de débris de centaines de vies brisées ; idiot qu’il était, il avait bien tenté d’en prendre un bout dans la gueule car ça brillait joliment, avant de se rendre compte que le contact avec les morceaux éclatés faisait mal et que le sang coulait à l’endroit où sa langue y avait touché.

Il marchait en esquivant les déchets, les fissures du béton et les ombres menaçantes qui zigzaguaient. Il s’immobilisait de temps à autre, les oreilles tournées dans la direction d’un son étrange qui l’appelait autant qu’il le repoussait. Une fois ça ressemblait à une voix d’outre-tombe, une autre c’était similaire au frémissement d’un fantôme.
Inquiet, Sonveen sursauta violemment lorsqu’un jet de lumière agressa sa rétine. Il pensa d’abord au soleil, mais celui-là était soigneusement caché derrière d’épais nuages sombres ; ça venait d’ailleurs. Il tournoya lentement sur lui-même, cherchant l’origine des petites pépites noires qui dansaient désormais devant ses yeux. Il remarqua des taches colorées sur le sol. Elles vacillaient et esquissaient un ballet envoûtant. Rien, cependant, ne semblait pouvoir créer quelque chose qui ressemblait à ça.

Il levait alors les yeux, circonspects, et les laissait traîner sur la bicoque qui tenait difficilement sur des murs défoncés et troués. Il glissa la tête dans l’une des blessures du bâtiment, et remarqua que l’intérieur était tout abîmé aussi. Il y avait du bois explosé, mais pas le même bois qu’il trouvait sur les arbres. Celui-là en avait seulement l’odeur, pas l’aspect. C’était lisse et mort.
Des meubles et du parquet. Lui étant un loup, ces mots-ci ne lui venaient pas à l’esprit et ce qu’il voyait avait encore moins de sens que la ville elle-même.

Le trou étant à peine assez grand pour qu’il y mette la gueule, il se doutait qu’il ne pouvait pas entrer par là. Il chercha donc sur les autres murs une autre crevasse par lequel il pouvait pénétrer l’édifice. Il n’en trouva pas. Une palissade de bois levée vers le ciel l’intrigua. Elle paraissait instable sur ses gonds. Il la poussa de toutes ses forces jusqu’à la voir céder et délivrer tous les secrets planqués dans la baraque inoccupée.
Il s’y glissait aussitôt, espérant que le raffût n’avait pas alerté qui que ce soit. C’est à ce moment-là qu’il réalisa ce qui causait les lumières douceâtres sur le trottoir ; un mobile de cristaux colorés bougeait lentement, charrié par le vent. Il était suspendu au plafond et était sans doute la seule chose intacte ici. Il s’en approcha mais demeurait évidemment trop petit pour l’atteindre. Désireux malgré tout d’y toucher, il se fourrait dans le crâne l’idée folle d’escalader les meubles entassés et cassés. Ça formait un monticule irrégulier sur lequel il grimpa difficilement jusqu’à atteindre le sommet.
Il pouvait à peine toucher la chose brillante, ce qu’il n’hésita pas à faire du bout des crocs. Le mobile commença à chanceler et à projeter ses milles petites boules violettes, bleues et rouges dans la pièce. Il cliquetait joliment, probablement parce qu’il s’agissait de cristal véritable.

Une fois lassé de son nouveau jouet, le jeune mâle se laissa retomber du promontoire, non sans quelques difficultés, et entama une montée périlleuse vers l’étage supérieur.
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Anonymous

Jeu 11 Oct - 14:50
SACRED EARTH
La poussière volait dangereusement dans la pièce. Chaque pas qu’il esquissait soulevait un nouveau nuage qui s’enfonçait dans ses bronches et menaçait de le faire tousser. Il essayait de se retenir, bien sûr, pour ne pas aggraver le problème — mais c’était plus facile à dire qu’à faire. Les poumons irrités et le souffle coupé, le jeune mâle se coula jusqu’aux marches bancales. L’humidité et les mites avaient eu raison de quelques-une d’entre elles, et continuaient sans doute de dévorer les autres. Ce n’était pas prudent. Pas du tout.
Poussé néanmoins par une chose qu’on ignore, il se décidait à poser une patte sur la première marche. Voyant qu’elle frémissait à peine sous son poids qu’il appuyait volontairement, il essaya la seconde. Jusqu’à la neuvième. Suspendu dans le vide au-dessus de la pièce en bazar, il jetait un œil plus serein vers l’étage qui se rapprochait. Perdant en vigilance, il avala deux nouvelles marches d’un coup ; sûrement trop vite, parce qu’elles cédèrent aussitôt. Il jappa de peur et s’élança brutalement dans la seule direction qu’il pouvait espérer atteindre. Il se rattrapa de peu aux marches montées précédemment, et s’allongea de tout son long.

Tremblant et effrayé, le cœur aux abois, Sonveen s’accorda une minute avant de se redresser lentement en craignant que tout le reste ne s’effondre. Il faisait cependant volte-face, contemplant le trou béant laissé par les marches disparues. Il n’était pas si gros que ça, mais pouvait l’engloutir tout entier s’il s’y prenait mal. Sûr de ses appuis, il récupéra tout l’élan qu’il pouvait prendre et sautait l’abîme pour rejoindre l’étage supérieur. Il avait réussi.

Un long couloir s’étendait désormais sous ses yeux, donnant sur des pièces aux portes fermées et ouvertes ; le sol s’était déchaussé par endroit et laissait apparaître le cadavre des pièces en-dessous. Prudent, il préféra contourner les premiers mais l’étroitesse du couloir l’empêcha rapidement d’en faire de même pour les autres. Il sauta une première fois, le cœur frénétique, et comprima violemment ses poumons quand les planches grincèrent douloureusement. Il était fou. La prochaine bouche qui cherchait à l’avaler était plus grosse, mais elle donnait accès à une porte ouverte. Il esquissa un nouveau bond et faillit rater le bois sécuritaire ; seules ses pattes avant parvenaient sur le sol, le reste sombrait dans le vide. Suspendu de la même façon que le lustre de cristal de l’étage inférieur, il bougeait et remuait dans la panique. Ses lèvres vomissaient des jappements dignes d’un enfant qui appelait - en vain - ses parents. Ses griffes labouraient le parquet qui crissait et partait en petits copeaux. Elles s’enfoncèrent néanmoins dans de petites aspérités, lui accordant par la même occasion une prise assez sûre pour qu’il puisse essayer de se sortir de là. Ses muscles hurlaient sous l’effort et la poussière lui piquait les yeux.

Il réussissait son coup par un miracle et avançait d’un mètre pour éviter de rechuter à nouveau. L’âme toute effrayée et le ventre serré, il se glissait dans la pièce qui s’avéra être une chambre d’adolescent. Il y avait de la peinture grise écaillée et des meubles esquintés ; des livres rongés dans les étagères et des bibelots semés par on-ne-sait-qui. Sonveen étudia chaque chose qu’il trouva, grimpant sur le vieux lit en fer forgé et constatait que le matelas - même si humide et malodorant - était encore très confortable. La nuit commençait à tomber dehors, il le voyait par la fenêtre sans vitres. Le ciel se teintait d’ocre avant de passer peu à peu à l’obscurité ; il savait que reprendre la route de nuit alors qu’il ne connaissait pas ce coin était risqué. Il choisit donc de dormir là, dans son nouveau chez-lui qui n’était finalement pas si terrible.

En s’endormant, il eut une pensée pour Nala qui le cherchait peut-être — ou alors qui se sentait soulagée de ne plus l’avoir dans les pattes. D’une certaine façon, il s’étonna d’éprouver l’envie de lui montrer ses trouvailles en l’emmenant ici. Il préféra se dire que c’était parce qu’il n’avait personne d’autre à qui parler et s’abandonna à Morphée.
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