Ce que redoutait Actéon arriva. Les proies se faisaient rares. Les chasseurs Agmarks avaient du mal à rapporter les proies. Avant qu’on ne lui annonce la nouvelle, le loup tricolore s’était révélé chanceux et avait toujours pu rapporter quelques choses à manger. Mais depuis, le loup ne se contentait pas de ramener une à deux proies par jour. Il essayait d’augmenter le rythme, de remplir rapidement le garde-manger afin que sa famille et sa meute ne meurent pas de famine. On voit le loup faire des aller-retour, même les sentinelles gardant la précieuse réserve lui firent la remarque qu’il ne devait pas trop s’épuiser.
Et pourtant, c’est ce qu’il fit. Le terrible chasseur ramena Castor sur Castor, Raton sur Raton, oiseau sur oiseau. Il courait, traquait, ramenait et recommençait. Evidemment, lorsque le soleil alla se coucher, la faute était inéluctable pour le loup. Un lapin. Un petit gibier, mais il ne fallait pas faire la fine bouche en période de famine. Tout était bon à prendre. Il la traque, comme à son habitude, mais le lapin était rapide et ses bons prodigieux. Quand au loup, il était fatigué, sa vision se trouble presque et il ne voit pas un trou qui a décidé de se mettre au mauvais endroit. Il tombe. Il percute des pierres mal placée et fait un atterrissage sur un sol plat tout aussi mauvais.
Actéon fut sonné pendant quelques instants, puis il se releva et lorsqu’il tenta de poser sa patte arrière droit.
“AOUUUUUUAAAAAAAAAAAAAAAAAAARG !”
La voix sombre et grave résonna dans toute la forêt. On aurait pu le confondre avec un monstre tellement on n’avait pas l’habitude de l’entendre hurler de douleur. Cependant, Actéon qui contrôlait toujours le moindre de ses mots, n’avait pas su retenir ce charmant onomatopée de douleur.
Avant de se relever complètement, il teste chacune de ses pattes restantes. Ouf. Toutes sont opérationnelles. Il se relève et regarde son membre blessé. De l’extérieur, on pourrait qu’il n’y avait rien, mais il ne retente pas de poser sa patte de nouveau.
Sur ses flancs par contre, on pouvait voir des poils étaient partis et il y avait même du sang qui coulait. La chute avait été aussi intense que rude. Actéon se livra à une dispute intérieur, se condamnant lui-même d’avoir été aussi imprudent puis il décide de se diriger vers la tanière.
Cependant, il se pourrait que quelqu’un l’ai entendu. Quelqu’un qui tombe à pic. Quelqu’un qu’il a déjà croisé. Plusieurs fois.
Kira était en train de ramasser des plantes qui pourraient lui être utiles quand elle s'était figée. Un cri. Un long cri venait de résonner à travers la forêt. Celui-ci avait d'abord surpris la louve d'ébène avant qu'elle ne reconnaisse le hurlement d'un loup. Levant la truffe, elle huma les odeurs que lui apportèrent le vent. Celle d'un Agmark se démarqua ainsi que celle ... du sang ? Aussitôt alertée, Kira se dirigea dans cette direction, emportant avec elle les quelques plantes qu'elle avait trouvé. Elle avançait d'un pas rapide. Et si il s'agissait de sa mère, ou d'Eren ? Mais lorsqu'elle arriva sur place, ce fut un autre loup qui lui fit face. Kira le connaissait pour l'avoir déjà rencontré à plusieurs reprises. Actéon l'avait aidé lorsqu'elle avait soigné la jeune Inka, puis il était aussi là quand la guérisseuse s'était occupée de sa compagne, Nailah, elle aussi atteinte par le Mal des Larmes Pourpres. Elle n'éprouvait aucune sympathie à l'égard du chasseur, mais elle ne le détestait pas non plus. Elle était tout simplement indifférente. Mais pour l'instant, le respectable Actéon semblait en mauvaise posture. Son corps était couvert d'égratignures dont certaines suintaient, et il tenait l'une de ses pattes arrière en l'air. Probablement foulée, elle devait être à l'origine du hurlement de douleur qui avait résonné il y a quelques minutes. Kira lui lança un regard vide, avant de hausser les yeux au ciel. «Je suppose que tu as besoin d'aide ?, demanda-t-elle en faisant un grand effort pour paraître plus agréable. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?»
Actéon s’immobilisa en entendant des pas. Evidemment, son cri de tout à l’heure n’avait pas été des plus discret. Le loup tricolore essaya d’analyser son environnement, avant de voir une louve noire approchée. Il était chanceux : c’était Kira. La guérisseuse des Agmarks. Celle-ci avait déjà… bon, vous savez lire, pas la peine de répéter.
“Je traquais un gibier et je n’avais pas vu la pente. J’ai glissé sur un rocher et durant ma chute, j’ai percuté plusieurs autres obstacles. En tentant de me relever, ma patte me faisait souffrir. Impossible de la poser à terre, la douleur est trop violente.”
Et cela allait poser un petit problème : les chasses. Avec une patte invalide, impossible de traquer le moindre gibier. Et actéon était le meilleur chasseur de la meute (et le seul, mais chute), en période de famine, il représentait un atout crucial. Les autres chasseurs ne ramenaient pas des proies aussi régulièrement que lui.
Heureusement, même si Kira n’était pas la louve la plus aimable des Agmarks, elle avait une certaine conscience professionnel. Le loup tricolore imaginait difficilement la louve repartir comme si de rien n’était alors qu’il était blessé et avait des difficultés monstrueuses à se déplacer.
Elle allait le guérir à coup d’herbe et d’autres choses dont elle avait le secret. Pas besoin de lui demander, cela risquait de plus agacée qu’autre chose. En tout cas, Actéon avait la sagesse de ne pas prendre un tel risque. Question de survie.
Le chasseur répondit presque immédiatement. Si Kira devait aimer quelque chose chez lui, ce serait cela. Il allait droit au but, ne cherchait pas plus loin que ce qu'on lui demandait et surtout ne faisait pas l'hypocrite comme la plupart des loups. «Je traquais un gibier et je n’avais pas vu la pente. J’ai glissé sur un rocher et durant ma chute, j’ai percuté plusieurs autres obstacles. En tentant de me relever, ma patte me faisait souffrir. Impossible de la poser à terre, la douleur est trop violente., expliqua-t-il. La louve noire acquiesça d'un geste de la tête et demanda d'un regard l'autorisation à Actéon d'examiner ses blessures de plus près. De toute façon si il avait refusé elle l'aurait abandonné à son sort, mais Actéon n'était pas stupide et la laissa renifler sa patte et ses plaies. Rien de très grave, heureusement pour le garde-manger il se remettrait en quelques jours grâce à ses soins et si il restait tranquille. Elle se recula de nouveau. -Laisse-moi quelques minutes. Il me manque quelque chose pour te soigner mais je devrais en trouver sans trop de difficulté. Je ne vais pas te dire de pas bouger, ce serait stupide de ma part., exposa-t-elle. Avant de partir à la recherche du miel dont elle aurait besoin, elle s'avança vers les plantes qu'elle avait ramassées plus tôt. Au moins avait-elle déjà les deux autres remèdes dont elle aurait besoin. Elle laissa ensuite Actéon sur place pou s'éloigner vers les arbres. La louve trouva bientôt le miel tant espéré et en collecta à l'aide d'un morceau d'écorce. Elle revint ensuite vers son patient et commença à s'affairer. Elle commença par sa patte. La louve mâcha longuement de l'écorce, jusqu'à créer une pâte qu'elle appliqua sur le membre blessé avec douceur, veillant à ne pas appuyer trop fort. Il serait fort désagréable d'arracher un nouveau hurlement au chasseur. Une fois le cataplasme en place, elle se recula pour regarder le résultat. Parfait. Lorsqu'il sécherait, il garderait la patte immobile, évitant à Actéon tout mauvais mouvement pouvant aggraver cela. La guérisseuse s'occupa ensuite des nombreuses égratignures. Elle écrasa le jus d'une baie cœur de mer sur les plaies, ce qui limiterait le saignement et empêcherait une infection. Puis elle étala soigneusement le miel qu'elle venait de récupérer par-dessus pour soulager la douleur. -Voilà, j'ai terminé., annonça-t-elle avec une petite pointe de fierté dans la voix en se reculant. Elle rangea ses trouvailles restantes dans une large feuille pour les transporter jusqu'à sa tanière. -Je vais d'abord t'accompagner jusqu'au camp. Appuie-toi sur mon épaule et évite au maximum de poser la patte.», ajouta-t-elle. Elle ramassa la feuille, vérifia que sa prise était solide pour que les plantes ne tombent pas en chemin et se plaça près d'Actéon, attendant que celui-ci s'exécute.
Actéon acquiesça. C’était un chasseur, alors il chasse. C’était une guérisseuse, alors elle guérit. Chacun avait son rôle et ce serait présomptueux de sa part d’aller contre ses indications. La louve ébène partit quelques instants avant de revenir avec un morceau d’écorce qui sentait bon l’odeur sucrée. Curieux, la loup regarda la guérisseuse faire. Puis, au final, il se concentra pour garder sa patte blessée immobile lorsqu’elle applique l’écorce mélangé au miel dessus. Ce n’était pas insurmontable, mais c’était une sensation loin d’être agréable. Elle s’occupa ensuite des blessures superficielles avec du jus de baie et déclara qu’elle avait fini. Wow. C’était rapide. En soit, il n’y avait plus qu’à attendre. Actéon exécuta docilement les ordres, cherchant une bonne prise avant de faire un petit mouvement de tête pour signaler qu’il était prêt.
“Dans combien de temps je pourrais reposer ma patte à terre sans souffrir ?”
Le chasseur s'exécuta encore une fois sans discuter. Une fois qu'il eut prit appui sur la guérisseuse, il lui fit signe qu'ils pouvaient avancer. Tous deux progressèrent à un rythme lent, Actéon boitillant contre la louve, qui malgré sa musculature plus développée avait tout de même un peu de mal à le soutenir. Ils restèrent silencieux une bonne partie du trajet avant qu'Actéon ne lance la conversation. «Dans combien de temps je pourrais reposer ma patte à terre sans souffrir ?, s'enquit-il. Kira fit un pause, lui permettant de reprendre son souffle et à Actéon de se reposer un peu. Elle posa ses plantes délicatement sur le sol avant de lui répondre. -Quelques jours si tu suis bien mes conseils et que tu ne t'actives pas trop. C'est juste une foulure, rien de grave., expliqua-t-elle. Le silence retomba après cela, et une fois reposés, les deux Agmark reprirent le chemin du camp. L'épaule de Kira était douloureuse à force de supporter le poids du chasseur, mais elle ne s'en plaignit pas et ne laissa apparaître aucun signe de souffrance. Elle ne voulait pas que le chasseur la plaigne ou la trouve faible. Alors elle repoussa les limites de son endurance et continua. Enfin, au bout d'une longue marche, la caverne où se réunissaient les Agmark apparut face à eux. La guérisseuse, soucieuse de bien terminer son travail, insista pour accompagner le chasseur jusqu'à l'intérieur, où elle le laissa ensuite s'allonger au sol. -N'oublies pas. Tu restes calme. Le cataplasme tombera de lui-même. Si il y a une complication, envoies quelqu'un me chercher.», répéta-t-elle. Après s'être assurée qu'elle n'avait rien oublié de dire, elle reprit ses trouvailles en gueule et sans un au revoir, reprit le chemin de sa tanière, isolée du reste de la meute. Elle aimait la solitude, et même si elle commençait petit à petit à s'habituer de nouveau à la vie de meute, elle songea qu'elle préférerait probablement rester dans le bosquet aux ronces malgré tout.
Jeu 12 Mar - 12:09 par 
REIRA DE