Torak arpentait les montagnes à la recherche de proies. Il était plus que temps qu'il se mette à chasser pour venir en aide à la meute et nourrir ses congénères. A vrai dire, il n'avait encore jamais vraiment chassé sérieusement. Mais avec sa mère occupée par ses nouveaux louveteaux et son père qui l'aidait, les parents de Torak n'avaient pas vraiment eu le temps de chasser récemment et le jeune loup savait qu'il devait les aider et ainsi montrer qu'il était utile et pouvait se surpasser. Alors qu'il humait l'air à la recherche d'une proie, il remarqua un petit oiseau posé sur un rocher non loin. Torak s'aplatit au sol, comme lui avait montré son père de nombreuses fois, et il commença à ramper lentement, veillant à faire le moins de bruit possible. Il se rapprocha peu à peu de sa proie, et lorsqu'il fut tout près, il bondit d'une grande impulsion sur le rocher, droit vers l'oiseau ... qui prit son envol. Torak tenta une nouvelle fois sa chance. Il banda ses muscles et avec une grande agilité, il sauta vers l'oiseau en vol. Malheureusement, il n'atteignit pas une hauteur suffisante et ses crocs claquèrent dans le vide tandis que sa proie s'échappait haut dans le ciel. L'apprenti fixa longuement le volatile, qui devint bientôt un petit point noir au loin, avant de reprendre ses recherches, espérant qu'il aurait plus de chance plus tard.
Un peu plus loin, après avoir parcouru les sentiers qui traversaient les montagnes, Torak avisa un lapin qui ne l'avait pas encore vu. Il répéta le protocole qu'on lui avait appris, se plaquant de nouveau au sol, avançant de nouveau ventre à terre jusqu'au rongeur. Le loup se figea lorsque l'animal bougea et retint son souffle, espérant qu'il ne le remarque pas. Trop tard. Le lapin partit à toute allure et sans plus attendre, le loup s'élança à sa poursuite. Il courait plus vite que jamais, ses pattes frappant le sol avec puissance, le propulsant toujours plus loin, toujours plus vite. A larges foulées, le mâle galopait derrière sa proie tandis que son souffle s'accélérait au rythme de sa course, et que son cœur battait la chamade. Le lapin bondissait en tentant de prendre de l'avance pour échapper au prédateur mortel qui le suivait de près. Torak, lui, sautait avec agilité au-dessus des rochers lui bloquant le passage, dégringolait la pente à un rythme effréné, ses pattes amortissant ses pas, ses muscles encore peu développés mis à rude épreuve par cet effort. Le loup et sa proie parcoururent ainsi une longue distance, galopant à travers les chemins et les pierres. Torak s'essoufflait, mais sa proie aussi. Bientôt le lapin ralentit la cadence et le jeune loup saisit sa chance. D'un bond formidable, il se propulsa en avant vers le petit animal, et atterrit sur le rongeur. Sans plus attendre et son instinct agissant à sa place, il planta ses crocs dans la gorge de sa proie et serra les mâchoires, lui ôtant la vie d'un coup. Haletant, Torak redressa la tête, le lapin dans la gueule. Il venait d'attraper sa première proie ! Il reprit le chemin vers le camp en courant, rendu inépuisable par sa réussite. Le mâle avançait avec fierté, déjà prêt à parader au mileur de tous les jeunes de la meute en se vantant de sa prise.
Torak retourna chasser à nouveau. Il s'enfonça de nouveau dans le massif montagneux à la recherche de proies. Bientôt, le mâle remarqua un animal plus grand que lui. Un bouquetin se tenait sur l'un des petits chemins rocheux qui traversaient les montagnes. Aussitôt, Torak se mit en position et rampa vers l'animal, s'imaginant déjà ramener une telle proie au garde-manger. Il aurait de quoi être fier avec un animal si gros, et tout le monde l'admirerait chez les Inkyva, c'était certain ! L'apprenti s'approcha du bouquetin, mais au moment où il allait bondir, sa proie le remarqua et commença à galoper loin de lui. Torak se jeta à sa poursuite, courant à toute allure derrière l'herbivore. Il suivit ainsi l'animal sur une distance remarquable, dépassant les limites de son endurance. Cependant, le bouquetin usa d'un avantage qui le plaça hors de danger. Il commença à gravir l'une des pentes montagneuses avec une facilité déconcertante, et Torak le fixa un moment, ébahi, avant de se lancer à sa suite. Le jeune loup tenta de grimper en s'agrippant aux roches à l'aide de ses griffes, mais la pente était bien trop abrupte et au contraire du bouquetin, il n'avait pas les aptitudes pour parvenir au sommet de celle-ci. De plus, l'herbivore qui bondissait de roche en roche au-dessus de lui ne cessait de lui envoyer des pierres dessus, qui lui frappaient le dos. L'un des projectiles atterrit sur le museau de Torak, qui jappa de douleur avant de redescendre les quelques mètres qu'il avait réussi à grimper. Une fois en bas, il secoua la tête, légèrement sonné. Il reprit sa route après avoir lancé un regard mauvais au bouquetin, se jurant de revenir prendre sa vengeance lorsqu'il serait un peu plus rapide et fort.
Plus tard ce jour-là, ce fut un renard qui attira l'attention du jeune chasseur. Torak vit le petit canidé qui reniflait le sol, probablement à l'affût d'une proie lui aussi. Torak bondit dans sa direction et s'arrêta face à l'animal, qui crachait sa rage face au loup, probablement dans le but de le dissuader de s'attaquer à lui. Mais Torak était fort et courageux, et il ramènerait ce renard coûte que coûte. Le jeune apprenti se plaça en posture d'attaque et commença à tourner lentement autour de sa proie. Le renard le suivait du regard, pivotant pour l'avoir toujours de face. Soudain, il tenta une attaque et Torak parvint à l'esquiver de justesse en effectuant un bond de côté qui le plaça hors de portée du coup de griffes lui étant destiné. Aussitôt, le loup se jeta de toutes ses forces sur son adversaire, lui rentrant dedans et l'envoyant rouler au sol. Cependant, il ne fut pas assez rapide et l'autre se releva avant qu'il ne puisse l'achever. Les deux canidés reprirent leur ronde, et Torak bondit, sauta, roula, esquivant chaque coup donné par le renard avec agilité et rapidité. Lui aussi tenta d'attaquer plusieurs fois, effectuant des sauts de plus en plus acrobatiques pour tenter de briser la défense du renard. Il parvint à lui mordre une patte avant de devoir se reculer précipitamment pour éviter de devenir aveugle avec le coup de patte qui se dirigeait droit vers ses yeux. Le combat, qui consistait à faire preuve du meilleur temps de réaction pour ne pas être blessé, dura un long moment. Puis, soudainement, le renard s'élança dans la direction opposée à Torak qui, surpris, resta figé sur place au lieu de le poursuivre. Sa proie disparut au loin tandis que le jeune mâle haletait, épuisé par cette joute. Tant pis, il rentrerait bredouille ce jour-là.
Torak trottinait gaiement. Il aimait cette petite routine qu'il avait instauré en allant chasser chaque jour, et qui lui permettait de faire ses preuves auprès des Inkyva. Aujourd'hui encore il était à la recherche de proies à chasser, et il ne tarda pas à repérer sa première victime en un lapin qui gambadait paisiblement non loin du sentier. L'apprenti se plaqua aussitôt au sol et entreprit d'avancer vers sa proie en se faisant le plus discret possible. Pas à pas, il se rapprochait de sa proie en silence, veillant à ne pas marche sur les cailloux et petites branches qui étaient disséminées ça et là sur le chemin. Cependant, sa vigilance fut de courte durée lorsqu'une petite pierre sur laquelle il trébucha se mis à rouler jusqu'en bas de la pente dans un fracas étonnant pour sa taille, embarquant d'autres pierres dans sa chute sur son passage. Sans même se retourner pour savoir de quoi il s'agissait, le lapin déguerpit aussitôt à grands bonds, et Torak n'eut d'autre choix que de le suivre. Il s'élança à la suite du rongeur en courant à toute allure, ses pattes frappant le sol avec force tandis qu'il galopait sur le flanc de la montagne, veillant à ne pas trébucher tout en prenant de la vitesse. Il courait avec une célérité qu'il avait rarement atteinte, réduisant petit à petit la distance qui le séparait de sa proie. Lorsqu'il fut assez prêt, Torak prit une impulsion sur ses muscles et sauta vers le lapin. Réussissant agilement son coup, il atterrit les deux pattes avant sur la bête et entreprit de la tuer d'un simple coup de crocs.
Après cette course épuisante, Torak se dirigea vers une petite rivière pour s'y désaltérer. Il lapa l'eau longuement, posant son lapin à ses côtés en attendant. Tandis qu'il s'abreuvait, son regard capta un mouvement et lorsqu'il redressa la tête, il vit que plusieurs poissons nageaient sous la surface agitée par le léger courant. L'apprenti s'accroupit et banda ses muscles. Il se prépara à bondir, leva son arrière-train, puis ses muscles se détendirent, le propulsant dans un grand saut en direction de la rivière. Torak atterrit au milieu des poissons, faisant voler des gerbes d'eau partout autour de lui. La rivière étant peu profonde, l'eau lui chatouillait juste le ventre. Le mâle donna des coups de crocs à gauche et à droite en tentant d'attraper quoi que ce soit, en vain. Les poissons s'éloignèrent de lui en vitesse pour aller nager un peu plus loin. La gueule dégoulinante, le jeune loup les observa, réfléchissant à une autre stratégie. Finalement, après quelques secondes d'intense réflexion, il opta pour la méthode faire n'importe quoi en espérant que ça marche. En quelques bonds pas très gracieux, il se dirigea de nouveau vers ses proies et donna de nouveaux coups de crocs dans l'eau, sans rien attraper malgré l'ingéniosité de sa technique. Cependant, il avait réussi à séparer un poisson des autres, et l'animal semblait maintenant perdu sans ses compagnons. C'était sa chance. Torak bondit de nouveau et atterrit face au poisson, et cette fois, il plongea la tête sous l'eau, la gueule ouverte se dirigeant droit vers sa proie. Il referma ses mâchoires et sentit enfin ses crocs se planter dans la chair. Le mâle ressortit la tête de l'eau et se dirigea en trottinant vers la rive, le poisson s'agitant frénétiquement dans sa gueule. Il veilla à se mettre loin de la berge pour déposer sa proie et la tuer d'une seconde morsure. Torak s'ébroua, s'empara de ses deux proies tant bien que mal et reprit la route du camp.
Aujourd'hui Torak s'était aventuré dans une partie plus boisée sur l'autre flanc de la montagne, voulant chasser dans un lieu un peu plus loin pour changer. Il arpentait les bois depuis un petit moment déjà, les sens aux aguets, lorsqu'un petit grattement attira son attention sur sa droite, faisant pivoter ses oreilles dans cette direction. Il identifia bien vite le mulot qui creusait non loin et qui ne semblait étonnement pas avoir remarqué la boule de poils blanche qui se tenait à quelques mètres seulement. Ne souhaitant pas lui laisser l'opportunité de le repérer dans les secondes à venir, le jeune loup se plaqua au sol en silence. Il allait s'avancer en rampant vers le rongeur lorsque ce qu'il craignait arriva. Le mulot se figea et fit volte-face, posa directement ses petits yeux ronds sur Torak. A la seconde même où il repéra le prédateur, le rongeur prit la fuite sans demander son reste. Pas le temps de râler, Torak se redressa et s'élança à sa suite. Il courut à toute allure, couvrant vite la distance qui les séparait. Cependant, le mulot s'était engagé à travers les bois dans lesquels de nombreux arbres semblaient avoir subi les dégâts de la foudre, et certains d'entre eux étant couchés au sol, bloquant le passage de l'apprenti tandis que le mulot se glissait par-dessous. Le loup prit son élan, puis se propulsa au-dessus du premier obstacle avec agilité, pour reprendre sa course dès que ses pattes touchèrent le sol de l'autre côté. Il avait perdu quelques précieuses secondes avec ce saut, mais parvint assez vite à récupérer son retard. Cependant, malgré cela, il se retrouva confronté à d'autres troncs et quelques rochers aussi. Chaque fois, il exécuta un bond parfait, sautant avec une facilité déconcertante par-dessus les obstacles, ses muscles encore peu visibles roulant pourtant sous son pelage. Le prédateur et sa proie arrivèrent à l'orée de la forêt, et après un dernier bond par-dessus des branchages, Torak rattrapa enfin le mulot. Il lui asséna un puissant coup de patte qui envoya le rongeur voler plus loin, l'assommant au passage. En deux larges foulées, Torak se dirigea vers l'endroit où était tombée sa proie, puis la tua d'un coup de crocs avant de la ramasser pour rentrer.
Torak se rendit sur les bords d'une rivière traversant la montagne. De nombreux poissons y nageaient, remontant le courant avec une force impressionnante. Le jeune mâle longea le cours d'eau pendant un moment jusqu'à atteindre un endroit où il pourrait s'y aventurer sans prendre le risque de se faire emporter par les flots furieux. Ici, il pourrait tenter de pêcher pour apporter sa contribution au garde-manger. Bien sûr un poisson n'était pas très impressionnant face aux proies littéralement énormes que ramenaient les Inkyva les plus expérimentés, mais il n'en serait pas moins fier de parader avec sa proie devant les autres, histoire de leur montrer que lui aussi savait chasser. L'apprenti s'accroupit sur la rive, les yeux rivés sur la surface agitée de milliers de frémissements. Il banda ses muscles, fléchit les pattes, se concentra, puis lorsqu'il vit l'éclat éblouissant du soleil se reflétant sur une écaille à la surface, il exécuta un grand saut agile vers sa proie. Torak atterrit lourdement dans le lit de la rivière, laissant tout son poids peser sur ses pattes avant, mais il n'écrasa que de la vase, manquant par la même occasion de glisser et de s'étaler de tout son long dans l'eau glaciale. Les poissons s'éparpillèrent à toute allure, avant de reprendre le cours de leur vie comme si rien ne s'était produit lorsque Torak fut de nouveau sur la terre ferme. Le mâle s'ébroua, agacé. Il n'était pas assez rapide. Mais il avait gagné en patience et n'abandonnerait pas de si tôt. Il reprit position et recommença sa manœuvre. Il dut s'y reprendre à plusieurs reprises, bondissant chaque fois sur les poissons qui s'approchaient de la rive. A chaque saut il stimulait un peu plus les muscles puissants de ses pattes, bondissant toujours plus haut et plus loin, changeant de poste d'observation. Il allait abandonner, le pelage détrempé, le souffle court, lorsqu'il décida de tenter sa chance une dernière fois. Il se prépara, attendit patiemment le bon moment. Son regard ambré se posa sur un poisson plus gros que les autres. Une proie plus facile. Les muscles tendus, il se redressa légèrement, s'apprêtant à sauter. Puis il s'élança. D'une grande détente, il se propulsa puissamment au-dessus de l'eau. Il arqua son dos et se laissa retomber sur ses pattes avant. Il vit le poisson au plus près et sans perdre une seconde se jeta dessus tête la première. Il jubila lorsqu'il sentit ses crocs se refermer sur le corps glissant de sa proie et resserra sa prise. Torak sortit de l'eau avec sa proie frétillante dans la gueule. Il veilla à se placer loin de la rive avant de relâcher le poisson et de l'achever d'un grand coup de patte. Satisfait de sa prise, il apporta l'animal au garde-manger avec un air fier.
Torak retourna chasser comme la veille. Il se rendit dans les recoins de la montagne qu'il n'avait encore jamais explorés et arpenta les sentiers crées par les passages des herbivores, la truffe au sol pour repérer une odeur récente. Il suivit la piste d'un lapin qu'il avait senti un peu plus haut, avançant silencieusement. Sa traque se prolongea jusqu'à ce qu'il repère la fourrure brune de l'animal un peu plus loin. Là, Torak se plaqua au sol et continua sa progression en rampant. Cependant, le jeune chasseur était encore inexpérimenté, et il ne se rendit compte que trop tard que le vent soufflait dans son dos, apportant par la même occasion son odeur jusqu'à sa proie. Le rongeur se figea, puis captant le danger, prit la fuite. Pas de temps à perdre. Torak s'élança à sa suite et dévala la pente à larges foulées, ses griffes lui permettant de ne pas déraper en s'enfonçant dans la terre à chacun de ses pas. Le mâle accéléra l'allure, courant avec une célérité qu'il n'avait encore jamais atteinte. Son souffle était saccadé tandis qu'il poursuivait sa proie rapide parmi les sentiers escarpés. Le loup bondit agilement au-dessus d'un buisson lui barrant le passage, atterrissant avec souplesse de l'autre côté pour reprendre aussitôt sa course, son corps se mouvant en cadence grâce à ses muscles naissants. Mais plus la poursuite s'éternisait, plus le lapin prenait de l'avance, augmentant la distance entre lui et le prédateur, et minimisant également les chances de succès de ce dernier. Torak continua de galoper encore un long moment avant de finalement abandonner, épuisé. Ses pattes tremblaient à cause de la fatigue et l'adrénaline. Cependant, il lui semblait qu'il avait gagné en endurance depuis quelques temps.
Sur le chemin du retour, le mâle s'arrêta en chemin lorsqu'il entendit un croassement lugubre. Aucun doute, un corbeau traînait dans le coin. Torak se figea, les sens en alerte pour déterminer la provenance de ce cri. Ses oreilles pivotèrent sur son crâne lorsque l'oiseau poussa un nouveau croassement, lui indiquant ainsi sa position. L'apprenti s'avança à travers les fourrés, veillant à ne faire aucun bruit et à ne pas marcher sur les brindilles au sol. Il finit par apercevoir l'oiseau noir posé sur une branche basse. Apprenant de ses erreurs, le loup se plaça cette fois face au vent et avança lentement vers sa proie, les pattes légèrement fléchies, les muscles bandés, prêts à le propulser vers la branche. Il s'arrêta juste en-dessous, content de constater que sa proie ne l'avait pas vu et n'avait pas bougé. Torak se prépara, prit une grande impulsion, puis il bondit à la verticale, la gueule en avant et ouverte, prête à s'abattre sur l'oiseau. Son corps se tendit vers le haut, ses muscles le propulsèrent jusqu'à la branche. Mais le corbeau le vit au dernier moment et ne perdit pas une seconde pour s'envoler en quelques battements d'ailes bruyants. Les crocs de Torak se refermèrent sur la branche, en détachant l'écorce, et lorsque son corps retomba vers le bas la branche craqua et céda. Torak se réceptionna agilement sur ses pattes solides, le bout de bois toujours dans la gueule. Il recracha sa prise et reprit le chemin du camp, agacé de n'avoir rien attrapé aujourd'hui.
Torak était encore allé chasser ce jour-là. Il emprunta l'un des sentiers qu'il connaissait déjà par cœur et se mit à l'affût de potentielles proies. Ses sens en alerte l'avertirent bientôt de la présence d'une fouine aux alentours. L'apprenti se dirigea dans cette direction, suivant l'odeur du rongeur que lui apportait le vent. Il aperçut bientôt le petit animal qui fouinait sous un tapis de feuilles mortes. Le loup s'accroupit et commença à ramper, ses pattes touchant le sol en silence à chacun de ses pas. Il se dirigeait vers sa proie, le regard rivé sur sa fourrure brune. Il avait d'ailleurs presque atteint son but et allait bondir lorsqu'il marcha malencontreusement sur une branche fine qui, bien sûr, craqua sous son poids. Sans même se retourner, la fouine prit la fuite à toute allure. Le loup s'élança à sa suite en dérapant dans la terre. La proie était rapide et se glissait avec agilité dans les branchages, tandis que Torak, lui, bondissait puissamment au-dessus des obstacles sur son passage. Il poursuivit la fouine sur une longue distance, ses pattes martelant le sol au rythme régulier de sa course, son endurance mise à rude épreuve à chaque mètre parcouru. Il agrandit ses foulées, accélérant la cadence. Mais chaque fois qu'il s'approchait de la fouine, celle-ci se glissait sous un tronc ou prenait un tournant abrupte, faisant perdre de précieuses secondes à l'apprenti beaucoup moins souple que le petit animal. L'épuisement finit par gagner Torak après de longues minutes à courir à toute allure et à tenter d'attraper sa proie encore et encore. Sentant ses pattes le tirailler, il finit par ralentir et s'arrêter pour reprendre son souffle, observant la fouine filer au loin.
Torak reprit son chemin après un court repos, la truffe de nouveau au sol, à la recherche d'un autre animal sur lequel jeter son dévolu. Et il trouva ce qu'il cherchait. Le mâle suivit la piste avec application jusqu'à arriver à un petit bosquet duquel un grattement continu s'élevait, accompagné de quelques grognements. Torak s'accroupit dans les fourrés et observa le sanglier à l'origine de ce boucan. L'animal retournait des mottes de terre à l'aide de ses défenses, fouillant ensuite la tourbe en agitant son groin de gauche à droite. Le sanglier était énorme. Bien plus large que Torak, et presque aussi haut que lui. L'apprenti savait que peu de loups s'attaquaient à ces bêtes, souvent mauvaises et dangereuses. Il avait déjà vu quelques adultes en ramener au garde-manger cependant. Et pour avoir goûté au sanglier, le jeune loup savait que sa chair était délicieuse, bien qu'un peu dure. Et après tout, pourquoi ne pourrait-il pas lui aussi en tuer un ? Torak prit une grande inspiration et s'avança vers le sanglier en rampant. Il progressa avec précaution, posant ses pattes avec délicatesse et dans le silence le plus total sur le sol. Il n'avait plus que quelques pas à faire lorsque le sanglier se tourna d'un bloc dans sa direction. Leurs deux regards ambrés se croisèrent et le loup se figea, dans l'attente, sa "proie" l'imitant. Ni l'un ni l'autre n'osaient bouger. Puis, le sanglier frappa le sol du sabot et Torak sursauta. Grave erreur, car la bête savait maintenant qu'il avait peur. Et le sanglier en profita immédiatement. Avec un grognement agressif, il chargea Torak, qui eut tout juste le temps de bondir sur le côté, esquivant de justesse les défenses destinées à l'empaler. Il se réceptionna tout en pivotant pour se retrouver face à l'animal. Le sanglier était de très mauvaise humeur. Torak passa les minutes suivantes à bondir en tous sens pour éviter ses attaques, sans réussir une seule fois à toucher sa proie. Lorsqu'il sentit ses muscles se fatiguer et faillit se prendre un coup dans le flanc à cause de ses réflexes de plus en plus lent, Torak sut qu'il n'était pas de taille à abattre une telle proie. L'apprenti profita d'une autre charge du sanglier pour l'esquiver et déguerpir à grandes foulées. Il bondissait en avant à toute vitesse, parcourant les sentiers comme si sa vie en dépendait - ce qui était d'ailleurs le cas. Le sanglier le poursuivit pendant un moment et Torak ne ralentit le rythme que lorsqu'il n'entendit plus aucun bruit derrière lui. Il reprit le chemin du camp, complètement essoufflé.
Il était temps d'aller chasser. Bien que le garde-manger de sa meute soit bien rempli, Torak aimait chasser, et cela faisait longtemps qu'il n'avait pas mis les pattes dans les montagnes, si bien qu'il lui fallut quelques instants pour retrouver ses repères et les sentiers qu'il avait l'habitude d'arpenter. Il suivit l'une des pistes qu'il connaissait par cœur, et se mit à la recherche de proies, tous les sens aux aguets. Bientôt, la grattement caractéristique d'un petit rongeur fouillant le sol parvint à ses oreilles, qui pivotèrent automatiquement dans cette direction. Torak suivit cete indication et entreprit d'avancer dans le plus grand des silences vers ce qui serait sa première proie du jour. Lorsqu'il se rapprocha du bruit, il s'aplatit au sol et continua son chemin en rampant, faisant attention à ne pas marcher sur les brindilles qui jonchaient le sol et risquaient de trahir sa présence. Il arriva à un petit bosquet où les feuilles avaient déjà commencé à tapisser le sol, formant de petits tas virant du rouge au jaune et annonçant l'arrivée prochaine de l'automne. Le grattement venait de l'un d'eux, mais lequel ? Si l'ouïe du loup était aiguisée, il n'avait pas l'expérience des plus grands chasseurs. A vrai dire, il en était encore loin. Alors il lui faudrait compter sur sa chance. Torak promena son regard ambré sur les tas de feuilles et se focalisa sur une cible au hasard. Avec un peu de chance, il s'agissait de la cachette du rongeur. Le mâle fléchit ses pattes, banda ses muscles, puis il prit une puissante impulsion et bondit en avant, presque verticalement. Il avait l'allure d'un renard polaire chassant le lemming, son corps s'arquant pour se plier en deux comme ceux de ce canidé cousin alors qu'il s'élevait pour atterrir les pattes avants les premières sur sa proie. Bon, d'accord, un très gros renard polaire. Moins agile aussi. Et surtout moins doué. Car lorsqu'il se réceptionna lourdement sur le tas de feuilles qu'il avait choisi, la seule récompense qu'il obtint fut le bruissement de ces dernières, qui s'élevèrent et s'accrochèrent à son pelage auparavant immaculé, tandis que du tas voisin jaillissait une souris, alertée par ce boucan, qui fila à toute allure. Sans plus attendre, Torak s'élança à sa suite à grandes foulées, tentant de la rattraper, en vain. Il s'arrêta peu après ce sprint imprévu, haletant, la souris ayant disparu depuis un moment déjà de son champ de vision. Ses pattes tremblaient quelque peu, épuisées par la course qu'il venait d'effectuer au grand galop. Tant pis pour cette proie, il en trouverait une autre plus loin.
Et il trouva ce qu'il voulait. Enfin il le pensait. Il n'avait encore jamais rencontré d'animal comme celui qu'il débusqua au détour d'un sentier. Une sorte de raton-laveur, mais avec une tête plus fine et un museau plus long. Et surtout, le pelage de l'animal était une alternance de blanc et de noir. Cependant, même si il n'en avait encore jamais chassé, Torak avait entendu parler des mouffettes. D'autres chasseurs avaient déjà raconté des histoires à leur sujet, disant qu'il fallait se méfier de ... De quoi déjà ? Torak ne s'en souvenait plus du tout. Ce n'était probablement pas important dans ce cas. Il observa sa nouvelle cible. Elle n'était pas beaucoup plus grosse qu'un raton-laveur en fait, même plus petite. Le loup avisa de longues griffes qu'il veillerait à bien éviter, et supposa que l'animal mordait aussi. Il décida qu'il était de taille à tuer cette bête et s'avança discrètement vers elle. Cependant, dans sa précipitation face à cette toute nouvelle proie, le chasseur avait oublié de vérifier la direction du vent, et ce n'est que lorsqu'une légère brise ébouriffa son pelage sur son dos qu'il se rendit compte de son erreur. Trop tard. La mouffette avait redressé la tête et dardait sur lui un regard mauvais, ses pupilles noires le fixant sans faillir. Bon, plan numéro deux. Le loup se redressa. Il n'avait plus besoin de se cacher maintenant. Il s'avança d'un pas lent vers l'animal, redressant ses babines sur ses crocs pour l'impressionner. Ce qui ne sembla pas marcher, car la mouffette cracha dans sa direction en effectuant un petit bond. Son pelage bicolore avait doublé de volume, et Torak eut un court moment d'hésitation en voyant tant de haine dans son adversaire. Mais il n'abandonnerait pas. Il tourna autour de sa proie qui ne cessait de cracher et pousser des petits cris d'avertissement à son égard, puis d'un geste brusque il s'élança vers elle, tentant de la mordre. Il recula précipitamment sans parvenir à son but, esquivant de justesse un coup de patte. Le loup recommença à plusieurs reprises, mais la mouffette avait de bons réflexes, si bien qu'il ne parvint qu'à lui arracher une touffe de poils sans la blesser. L'animal poussa un nouveau grondement menaçant lorsqu'il s'approcha de nouveau, puis lui tourna le dos. Étonné par cette étrange réaction, Torak se figea au lieu de profiter de l'occasion, et cette erreur lui coûta très cher. Il observa l'animal redresser sa queue, tandis que son arrière-train était dirigé droit sur lui. Puis une bribe de conversation lui revint à l'esprit, mais trop tard. Il se souvint de la raison pour laquelle il fallait se méfier des mouffettes, et ses craintes se confirmèrent lorsqu'un jet de liquide le frappa en plein museau. Torak recula mais le mal était déjà fait. Sa tête et son thorax étaient entièrement recouverts de sécrétions, et immédiatement l'odeur ignoble qu'elles dégageaient prirent le jeune loup à la gorge. Il toussa et frotta frénétiquement son museau entre ses pattes, ce qui n'eut absolument aucun effet, tandis que la mouffette reprenait son chemin sans se presser. Torak se dirigea en courant sur le sentier menant à la rivière. Hors de question qu'il rentre au camp en sentant aussi horriblement, les autres ne le laisseraient même pas entrer tellement il puait. Et puis, il aurait la honte de sa vie surtout, et ça, il ne pouvait se le permettre ...