Venez on fait un Exode on perd la moitié des loups mais vous inquiétez pas, là où on va c’est bien meilleur que chez nous. Tu parles. Ce sont tous des menteurs congénitaux, on ne peut plus croire ni rien ni personne ici. Pas même sa propre famille, pour peu qu’elle soit encore en vie. Ici rien n’a changé et tout semble pire. A défaut d’ennemis bipèdes (pour le moment) ou bien de leurs engins ou même leurs chiens, nous devons nous coltiner des loups stupides pensant que tout est déjà acquis. N’ont-ils donc rien appris de l’Apocalypse ? Rien n’est jamais acquis, pour personne. Oméga ou princesse, tôt ou tard nous finirons tous au même endroit, morts et oubliés. A quoi bon se donner tant de mal à essayer de vivre une vie décente ? Portée par cette rage-mélancolie venue de je ne sais où, mes pas me portent vers les marais, lieux encore inconnus. Ces lieux sont dangereux, d’autant plus quand on s’y aventure seul. Alors non, je ne sais vraiment pas pourquoi je m’y rends. J’y suis attirée mais certainement pas grâce à leur beauté ou leurs effluves : les marais sont moches et puants. Il faut encore ajouter que la faune résidant là-bas n’est pas non plus des plus hospitalières, entre crocodiles et moustiques à la piqûre mortelle, je ne passerai certainement pas ma vie là-bas. Toujours aussi instinctivement, je me dirige vers l’étang. A jouer avec le feu, autant jouer pleinement. Cet étang est dangereux, qui y rentre n’est pas sûr d’en ressortir. Les libellules l’observeront se noyer en tourbillonnant autour. Ce sera un spectacle morbide, mais un spectacle tout de même. Si jamais un jour l’envie me vient de côtoyer la mort, ce sera sûrement ici que cela se passera. Loin de tout et de tous, seule face à la nature. La nature gagnant comme elle le fait toujours (chose que personne ne semble apprendre avec le temps). Cependant cela ne sera pas pour aujourd’hui. Les effluves d’un solitaire me parviennent aux narines. Je sors de mes pensées, me prépare à toute éventualité. On ne sait pas quel genre de fous on peut croiser de nos jours. Le lieu est inhospitalier, dangereux. Mais au fond de moi, au fond de mon cœur, je connais cette odeur. Je la connais d’avant l’exode. Ce loup, il est venu avec nous, j’en suis certaine.