Pour celui qui ne le connaît pas, Azazel apparaît tout d'abord comme un louveteau plutôt étrange, voire inquiétant. Que fait-il sur ce rocher depuis deux heures à regarder dans le vide? Pourquoi n'y a-t-il qu'un ennui un peu las dans son regard? Et est-ce qu'il est seulement capable de parler, est-il atteint d'un quelconque mutisme?
A celui qui persévère un peu, il semblera que le seul mutisme dont souffre le jeune loup est celui qu'il s'inflige aux premiers abords. Louveteau, il sera particulièrement silencieux, et tirer de lui plus que son nom relèvera de l'exploit, exploit qu'il faudra encourager en retenant la mimique amusée qui vient invariablement en entendant son zozotement si étrange. Az a du mal à s'exprimer clairement, et d'autant plus que la moindre petite expression moqueuse ou compatissante le blesse profondément, faisant d'ailleurs perdre la majorité de ses chances à son interlocuteur d'entendre quoi que ce soit de sa part à nouveau. C'est d'ailleurs la principale cause de son avarie de mots si développée - voir des gens passer d'attentifs à amusés pendant qu'il lutte à créer des mots intelligibles lui semble bien plus terrible que de perdre lui-même une bonne partie de ses chances d'avoir une interaction sociale. Même en dehors de ses difficultés à articuler correctement certains sons, Azazel est globalement très sensible aux critiques, et lui faire la moindre remarque sur son comportement un peu étrange ou son absence totale de mouvement est le meilleur moyen de perdre toute sa confiance.
L'apathie du jeune loup, après son mutisme, paraît également une particularité franchement dérangeante. Az est de ces loups qui semblent tout bonnement allergiques à l'activité physique, et rester allongé quelque part à regarder s'agiter les autres lui est déjà bien assez épuisant pour qu'il ne s'y mette lui-même non plus. Bouger lui est physiquement douloureux, et il le fait savoir; d'abord par son cruel manque de motivation à faire quelque chose d'aussi insignifiant que de se lever, et ensuite par son empressement à s'affaler de nouveau dès qu'on arrête de le stimuler pour rester debout. Il compense son désamour si visible de ses propres muscles par une passion florissante pour la réflexion solitaire. Sur tout, n'importe quoi qui lui vient à l'esprit; le monde, les environs, son existence, les odeurs dans l'air, les autres, l'identité de son père, la vie d'une fourmi qui lui grimpe sur le museau, la forme des nuages, les relations entre les meutes... Et celui qui le connaît assez bien pour l'entendre parler se rendra compte qu'Az a beaucoup plus à raconter que ce qu'il n'y paraît. Quand on l'écoute attentivement, c'est un torrent de parole qui sort par moments de la gueule du louveteau, parfois au point de devoir l'interrompre pour lui dire de ralentir un peu - comprendre ce qu'il dit dans ce genre de cas est un challenge indéniable.
En apprenant à le connaître, cependant, le louveteau ne perd rien à son caractère troublant - et plus il s'exprime, plus les motifs de son manque d'action deviennent clairs. Azazel semble n'avoir de courage ou de motivation que pour une poignée de choses, et abandonne tout le reste avant même d'avoir commencé. Même si ça lui demande globalement plus d'énergie et d'endurance qu'à d'autres, il faut bien avouer qu'il grossit énormément la quantité d'efforts à fournir pour un résultat donné, et que ça ne contribue absolument pas à le lancer dans sa réalisation. Les rares fois où on le verra essayer quelque chose se solderont presque toutes par son découragement bien avant d'effleurer son objectif final - et à moins que quelqu'un ne soit là pour le pousser à persévérer, ses échecs auto-induits ne font que le dissuader encore plus par la suite. Et, puisqu'il part du principe qu'il est incapable de réussir à quoi que ce soit, tout ce qui lui arrive lui semblera immuable, le cours des choses ayant tout pouvoir sur le louveteau et lui aucune motivation à échapper à son propre destin. Peu importe le malheur qui lui tombera dessus, il l'accueillera en se morfondant un peu plus et en ruminant sur combien la vie est dure dans ce monde, et combien il n'y est définitivement pas adapté du tout - même si, à la réflexion, il semblerai qu'il y ai peu de mondes pour lequel il serai adapté.
Azazel grandira sûrement assez soumis. Louveteau, déjà, il est un suiveur plus que le leader - il est de ceux qui se fondent dans la masse sans chercher à se faire remarquer, discret dans ses actions et pas ambitieux pour un sou. Az, jeune est un loup assez manipulable, dans le sens naïf - il côtoie trop peu de personnes pour vraiment déceler un mensonge, malgré sa maturité apparente. Il s'en débarrassera sûrement en grandissant, y gagnant aussi un certain sens du sarcasme, qui lui donnerai bien à penser sur l'hérédité de ce genre d'humour si il connaissait un tant soit peu son père. Et il y a fort à parier que son optimisme déjà bien faible ne survive pas longtemps aux épreuves qu'il subira tout au long de sa vie - ce à quoi il répondra qu'il n'est que réaliste, comme tout bon pessimiste qui mérite ce nom.
Au fond, Az reste un louveteau comme les autres - pour peu qu'on l'aborde comme il faut, il n'est pas si dur d'éveiller sa curiosité en lui présentant une bizarrerie de la nature ou en lui racontant l'histoire d'une meute disparue. Il grandira particulièrement observateur, attentif aux plus légers détails, et malgré son apparence désintéressée de tout, il remarquera bien plus de choses qu'il n'y paraît. Azazel a du mal à exprimer ce qu'il ressent ou pense en mots, et il s'en retrouve tant de fois frustré qu'il préfère ne pas essayer tout court. Au fond, la solitude lui pèse profondément, et malgré le fait que le verbaliser lui est difficile, ceux que le louveteau apprécie le comprenent très vite; Az se révèle soudainement motivé à se lever lorsqu'il s'agit de faire signifier à quelqu'un qu'il veut sa compagnie en collant à ses pattes. Si on devait citer une phobie réelle du loup tricolore, ça serai celle de l'abandon et de l'humiliation - au point parfois de s'éloigner lui-même de gens qui perdent sa confiance pour l'éviter. Azazel a foncièrement besoin de personnes autour de lui, et la vie de solitaire lui serai franchement insupportable. Et même si, entre son découragement constant et son manque de communication, être l'ami du jeune loup n'est pas une mince affaire, Az se révèle en retour particulièrement fidèle, et sa loyauté à la meute ne serai qu'un bien faible obstacle à aider un jour une ancienne connaissance dans le besoin.
La première chose qu'on remarque, chez le jeune louveteau, c'est son regard - Azazel a hérité de son père le droit, brun, et de sa mère l'oeil gauche, du violet si reconnaissable d'un Sinistre. Et s'il pourrait être pétillant et lumineux, il n'en le plus souvent rien, le regard atypique du jeune loup semblant une grande majorité du temps ne refléter qu'un ennui profond ou une frustration certaine en voulant s'exprimer. Du reste, cette caractéristique ne se limite pas à ses yeux, et Az reste quelqu'un d'assez expressif - il n'a juste, la plupart du temps, pas grand chose à montrer. Il a gardé de son géniteur le pelage tricolore, assombri par les gênes de Requiem, et la carrure un peu maigre que son activité physique abyssale n'aide pas non plus à améliorer. Azazel grandira sûrement bien moins musclé que la moyenne, caractère d'autant plus accentué qu'il n'est pas un loup spécialement petit. Ses pattes un peu trop fines donnent, sans point de repère, l'impression trompeuse qu'il est haut sur pattes, même malgré sa posture abattue comme s'il portait tout le poids du monde sur ses épaules. Ca n'est qu'à demi une exagération, et même si son poil de louveteau grandira très vite pour le cacher, la longue cicatrice qui zèbre son dos lui rappellera sûrement toute sa vie de quelle façon il a manqué de la perdre; et il l'exhibera à qui voudra voir comme preuve irréfutable de combien bouger lui est compliqué. A peu de choses près, Az aurai fini paralysé, et il ne s'en tire qu'au prix d'autant plus dur à porter pour quelqu'un d'aussi peu motivé que chaque mouvement éveille de nouveau la douleur le long de sa colonne vertébrale - le rendant aussi prompt à s'affaler n'importe où dès que l'occasion se présente pour faire cesser cette sensation si handicapante. Au fond, si Azazel avait réellement le courage de devenir un grand guerrier ou une sentinelle redoutée, son dos ne serai qu'un obstacle devenant mineur avec l'entraînement à cette glorieuse destinée; mais l'apathie du louveteau n'arrange rien à son handicap, et il se le traînera sûrement longtemps avant de trouver la moindre bravoure pour tenter de développer assez ses muscles pour compenser sa blessure. C'est tout aussi vrai pour le zozotement involontaire qui s'appliquera à toutes ses paroles sur son début de vie, né d'avoir passé autant de temps à anxieusement suivre sa mère sourde au moindre de ses mouvements. Accent attachant, disent certains, défaut insupportable diront les autres mais le fait est que comprendre le louveteau est un certain défi quand on n'y est pas habitué. Il complète sa confusion des sons similaires par un postillonnement assez important, qui vaudra sûrement à ses interlocuteurs de garder une distance raisonnable en lui parlant, et qui ne manquera pas de le vexer et de le faire retourner pour de bon à son mutisme. Son zozotement disparaîtra en grandissant, et d'ici sa nomination à son poste final, de part les interactions avec des non-sourds et l'entraînement ça ne sera plus qu'un accent un peu étrange - bien insignifiant par rapport à sa douleur au dos, qui a bien peu de chances de disparaître définitivement un jour.
La mère du jeune loup se nomme Requiem - une guérisseuse Inkyva, sourde de naissance, fille de Nilaya, l'Alpha de la meute, et d'un père disparu depuis. L'identité de son père risque de rester un mystère pour longtemps dans la vie du louveteau - solitaire, dont le seul indice est les gênes qu'il a légués à sa descendance, comme l'oeil bleu de son frère, Neeven. Avec sa soeur Onérixia, ils formaient à la naissance une portée d'une bonne santé étonnante au vu des conditions de leur naissance - seulement quelques mois après l'exode qui a vu la fin de tant de loups, et la fusion des Navniks avec les Sekmets, aussi contestée soit cette union.
A la naissance seulement, étant donné l'évènement qui manque à peu de choses de signer la fin du si jeune louveteau, et qui, à défaut, le condamnera à l'inaction toute sa vie. La blessure mal guérie qui serpente le long de son dos témoignera sûrement longtemps de la violence de son (demi)oncle Zagan, qui aura tenté de le tuer, si petit qu'il n'en garde qu'un souvenir confus - l'odeur si marquante du mâle blanc à l'oeil balafré. Et sûrement au moins en partie la trouille monstrueuse du monde qui l'entoure qui lui valut pour un bon bout de temps une affection maladive à sa mère, qu'il colle toute la journée malgré son apathie habituelle - qui est sûrement elle-même l'origine de son défaut d'élocution si perturbant, Requiem n'étant pas elle-même un grand modèle de prononciation parfaite. Et il lui semblera sûrement tant de fois, plus tard, qu'il aurai pu faire tant de choses et tant d'exploits si le guerrier blanc n'avait pas ruiné son existence, et son amertume fermentera, doucement, sûrement, deviendra terrible rancune envers lui - heureusement, l'action n'étant pas le propre du jeune loup, sa rancoeur ne restera que lettre morte. Morte et enterrée... N'est-ce pas?
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Jeu 12 Mar - 12:09 par 
