Chasse groupée Agmark - ft Widar

Cela ne changeait pas de ses habitudes de se rendre jusque dans la forêt d’été, pour Widar. Il avait désormais décidé de chaque matin, il se rendrait ici pour chasser quelques proies et rentrer au zénith. Le reste de sa journée néanmoins, restait toujours imprévisible. Mais le matin comme ceci, il aimait se lever à l’aurore et profiter de la brise fraîche ainsi que de la rosée du matin sur ses coussinets lorsqu’il traversait des pans d’herbe entier. Qu’il était bon le matin de profiter des premiers rayons de soleil qui ne brûlaient pas encore la fourrure. La dernière fois, en allant à la rivière de la source, après une partie de chasse, il avait croisé Shara qui se reposait à l’ombre. Il espérait désormais que peut-être, chaque fois qu’il se rendrait à la rivière pour s’y désaltérer après sa chasse, qu’il l’y verrait encore, couchée à l’ombre d’un arbre, endormie ou lustrant sa belle fourrure blanche. Pourtant, il ne l’avait pas revu à cet endroit depuis la dernière fois.

Widar progressait dans la forêt, tous les sens en alerte, lorsqu’il vit débouler sous ses yeux une petite souris bien dodue comme on en voit rarement. Ni une, ni deux, le loup noir avait adopté la position du chasseur et il avançait ventre à terre, frôlant le sol de sa queue, en ayant évidemment prit garde sur son chemin à ne pas tomber sur une brindille qui pourrait trahir sa présence - il avait l’habitude désormais. Un petit vent frais souffla, apportant la délicieuse odeur de chair fraîche. Chacun de ses pas rapprochait un peu plus l’animal de la mort, si bien que lorsque Widar eut un oeil sur lui, il découvrit le petit animal sur le dos, inerte. Pensant qu’il était mort, le loup noir s’en approcha et posa doucement sa patte sur lui pour le faire remuer. Lorsque sa patte arrière émit un léger sursaut, il comprit qu’il venait de se faire berner : en effet, l’instinct de survie de sa proie lui avait sûrement dit de feindre la mort pour tenter d’esquiver son prédateur. Néanmoins, Widar était intelligent. Ni une, ni deux, au moment même où le petit rongeur tenta de lui échapper, il lui donna un coup de patte puissant qui envoya sa proie contre le tronc de l’arbre. Un petit craquement se fit entendre et l’animal tomba au sol, sûrement blessé. D’un coup de crocs enragé, Widar donna le coup de grâce et l’enterra, partant à la recherche, aussitôt d’une nouvelle proie à tuer, espérant que celle-ci ne lui ferait pas le même coup.

Il ne mit pas longtemps avant de tomber sur un jeune lapin qui bondissait, insouciant dans l’herbe. Toujours en position de chasse près du buisson le plus proche, il s’avançait doucement, prudemment, prêt à l’achever d’un coup de patte accompagné d’un cri triomphateur. Malheureusement, le hurlement d’un loup appelant à la chasse fit fuir sa proie qui déguerpit sur le champ. Le loup noir pesta contre ce stupide animal qui venait de faire fuir le rongeur, puis prit l’animal en chasse dans un besoin irrépressible de courir. Il sentait le vent ébouriffer sa fourrure tandis qu’il louvoyait entre les aulnes, se faisant distancer peu à peu par sa proie. Il redoubla d’efforts, sautant au dessus des racines et se baissant lorsque des branches auraient pu lui arriver en plein visage. Finalement, le loup termina sa course en manquant de tomber dans la rivière de la source tandis que le lapin blanc venait de faire un dérapage spectaculaire avant de trouver un terrier dans lequel se réfugier. À bout de souffle, Widar pesta à nouveau entre deux respirations saccadées avant de lever les yeux pour regarder autour de lui.

C’est alors qu’il découvrit le doux visage de Shara et comprit que c’était elle qui avait appeler de l’aide à la chasse. Il laissa ses yeux dévorants se balader sur la belle fourrure toujours aussi soyeuse de la femelle avant de demander : « — C’est toi qui a appelé de l’aide ? ». Le mâle ébène connaissait déjà la réponse mais il était désireux de faire la conversation, peut-être pour qu’elle oublie la proie que le lupin venait de louper sous ses yeux, espérant qu’elle ne le charriera pas sur cela.

La frustration habitait tout le corps du loup noir qui souhaitait plus que tout parvenir à attraper quelque chose aujourd’hui, surtout après cette défaite écrasante face à un maudit lapin et à l’appel de Shara ; c’était à cause d’elle s’il avait loupé sa proie. Pour autant, le noiraud n’avait aucune envie de faire un reproche à la belle femelle, il lui pardonnait tout, elle et sa si belle fourrure. Et puis, Shara était une louve plutôt sympathique, elle ne faisait pas partie de ces femelles qui se vantent de leur pelage alors qu’ils n’ont rien de particulier, elle était particulière, Shara et c’était ce qui devait souvent la sauver auprès des mâles - peut-être moins auprès des femelles qui étaient sûrement nombreuses à la jalouser. Mais Widar n’était pas une demoiselle, alors il n’en savait pas grand chose, voir même, il n’en savait rien car il n’avait ni posé la question ni abordé le sujet de Shara avec une quelconque femelle jusqu’à présent. « — En effet, répondit-elle en s’ébrouant sans que le loup noir ne puisse dire pourquoi, si bien qu’il arqua un sourcil en signe d’incompréhension, je me disais qu’avec un partenaire la chasse serait plus fructueuse. Comme tu es là, tu vas pouvoir m’aider ? » Ne sachant quoi dire, Widar eut le réflexe de simplement hocher la tête en signe d’affirmation. Il n’y avait rien à dire de toute façon.

Widar sentit qu’il eut raison de ne pas lui répondre à voix haute lorsqu’elle lui fit comprendre d’une ondulation de la queue et d’un mouvement de la tête qu’elle venait de percevoir une proie. Alors qu’il observait avec admiration la belle louve qui s’approchait délicatement et patiemment de sa proie, le loup noir entendit un bruissement non loin d’eux et au lieu de déranger la demoiselle pour la prévenir et risquer de la faire échouer, le lupin s’éloigna sans bruit et prit à son tour la position du chasseur, le ventre frôlant le sol. Imitant la belle femelle à la fourrure immaculée, le mâle s’avançait prudemment, en veillant à ne pas marcher sur une quelconque brindille pouvant trahir sa présence. Bientôt, il aperçut un petit rongeur marcher rapidement près d’une buisson. Au moment où il entendit la belle s’élancer et l’oiseau piailler, le prédateur sombre s’appuya sur ses pattes arrières pour s’élancer dans un bond bien calculé, l’envoyant droit sur la petite souris. Ainsi, il n’eût qu’à tendre les pattes vers l’avant et à se jeter sur le petit animal gris à moustache, l’achevant d’un coup de crocs. On entendit un léger craquement puis Widar se releva en bombant le torse, sa proie pendouillant entre ses crocs.

Non loin, il découvrit que Shara était revenu mais il ne vit pas de proies dans sa mâchoire, si bien qu’il se questionna. Elle semblait pourtant bien partie. Il s’approcha d’elle, déposant son rongeur inerte sur le sol afin de parler. « — Tu n’es pas parvenue à attraper ton oiseau ? » demanda-t-il, une lueur d’inquiétude dans les yeux, les traits froncés en guise d’une nouvelle incompréhension. Elle était pourtant si bien partie.

Les yeux de Shara affichait une lueur amusée face à la surprise de Widar et il se sentit honteux quand il se rendit compte qu’elle l’avait simplement enterré comme il avait l’habitude de le faire en temps normal. Il la remercia pour son compliment et s’éloigna un instant pour aller enterrer à son tour sa proie près des racines d’un arbre. D’une humeur plutôt joyeuse, il la vit s’approcher et eut un léger mouvement de recul avant de se rendre compte qu’elle lui donnait simplement un coup de museau amical contre l’épaule. Il resta un instant hébété avant de s’élancer à sa suite, pensif. Mais ses pensées s’effacèrent rapidement, tandis qu’ils couraient à la recherche du moindre signe de vie. Widar avait mal aux pattes à force de courir et il ralentit l’allure de nombreuses fois, mais chaque coup d’oeil désespéré de Shara le faisait redoubler d’effort, si bien qu’il haletait d’un souffle fort et rauque. Il finit par baisser la cadence et se mit enfin à marcher, humant l’air. Lorsqu’un petit rongeur entra dans son champ de vision, le loup noir ondula de la queue pour faire signe à la belle louve blanche qu’il avait une proie en vue.

Adoptant la position du chasseur, Widar sentait son ventre frôler le sol tandis qu’il avançait prudemment. Il avait réussi à calmer les battements de son coeur grâce à la marche. Prêt à sauter sur sa proie, à une longueur relativement raisonnable, il s’arrêta et bandit les muscles. Il attendit un léger instant avant de faire un bond prodigieux, les pattes en avant. Il retomba habilement sur le sol mais manqua de peu de laisser filer sa proie. Il la poursuivit en courant aussi vite qu’il put et juste avant qu’elle ne lui échappe, il sauta, les pattes tendues vers l’avant et elles finirent par tomber directement sur sa proie. Soulagé, il lâcha un petit soupir avant d’achever sa proie et de l’enterrer.
Puis il s’exclama, à l’intention de Shara : « — Il s’en est fallu de peu ! » un sourire sur le visage.