La foutue odeur d’un foutu rongeur, c’est pas appétissant du tout mais je n’ai plus le choix. Je ne peux plus faire la fine bouche désormais. Son effluve change constamment de source, ce qui signifie qu’il doit être en mouvement. Traquer une si petite bête serait bien trop difficile, je dois seulement prendre mon mal en patience. Il s’agit là du secret d’une bonne chasse : la patience. Quelle chose farfelue, la patience. Je n’ai décidément pas le temps pour ça, j’ai une révolution à faire tourner moi. Pour avoir le plus de chance possible de rester cachée, je me plaque au sol. Je tente d’avancer sans toucher aucune carcasse. Heureusement pour moi, je ne suis pas dans un quelconque endroit feuillu et ne risque pas de faire du bruit par ce biais-là. Je garde la truffe haute, tant pour toujours savoir d’où provient l’odeur que pour éviter de m’étouffer avec la poussière et par conséquent faire un affreux bruit. Cette position n’a rien de naturel et il est difficile pour moi d’avancer dans de telles conditions. Un seul pas me demande de nombreux efforts et je suis rapidement fatiguée. Seulement, un des avantages à me mouvoir au ras du sol, c’est que cela m’offre paradoxalement une meilleure visibilité sur ma cible. Elle n’est qu’à une distance de deux, peut être trois loups, bien trop occupée à ronger un vieux pneu pour s’occuper de ma présence. Je pourrais charger aussitôt la bête, mais elle aurait de fortes chances de s’en sortir. Tant pis, tentons le tout pour le tout. Plantant naturellement mes griffes dans les imperfections du bitume, je bande mes muscles, et, sans me prévenir moi-même, je me lance à la poursuite de ma proie. Tous mes sens se bloquent, ma vue ne se concentre rien rien d’autre que la tâche noire que je mangerai ce soir. En quelques secondes, la bestiole se relève, tourne ses horribles yeux en ma direction, et commence à se tour à courir dans la même direction que moi. Il est déjà trop tard. Pour ne pas qu’elle prenne de l’avance, je tente une dernière manœuvre désespérée en sautant sur elle. Durant le saut, j’agrandis autant que possible mes pattes et mes griffes pour ainsi couvrir le plus d’espace possible lorsque je tomberai sur ma proie. Malheureusement, mon poids ne s’abats pas sur son corps mais un heureux reflexe me laisse néanmoins attraper sa queue, qui se coupe à cause de son élan. Outch. Cette dernière action lui coûtera la vie. Il a été ralenti de quelques millièmes de secondes, ce qui est bien assez pour que je déploie ma seconde patte, celle n’étant pas occupée à lui tenir la queue, pour m’abattre sur son petit corps. Sortant mes griffes, je les sens entrer dans la chair, et le sang chaud se mêle à la poussière de la ville.