Meute: Histoire d'Esobek - Œil de la Lune

Dans de lointaines régions du grand nord blanc, subsistait une petite meute de loups farouches, réputés pour leur talent de chasseurs dans les mondes des glaces. Cette meute se nommait Arvelès, les Rôdeurs du Nord. Elle était guidée par un puissant loup blanc nommé Zurius, Etoile des Immaculés. La meute connu une époque de grand froid, une année entière de tempêtes les frappa sans accalmie. Le soleil se faisait rare sous l'épaisseur des nuages gris, tout comme la nourriture pour les loups. Un paysage de glace et de métal car malgré tout, la présence des Hommes transparaissait aux travers des bunkers, des machines de guerre et des trains au profil effilé qui perçaient les hauteurs de neiges gelées.

La faim touchait durement les Rôdeurs du Nord et Zurius voyait les siens tomber les uns après les autres. Ne supportant plus la souffrance des loups, l'alpha décida d'une ultime tentative pour parvenir à prolonger la pérennité de la meute. Les loups Arvelès iraient piller de la nourriture chez les hommes. Profitant de la nuit et de la neige, le groupe de loups s'infiltra par une aération abîmée dans l'un des bunkers. Arpentant les couloirs sombres, les loups ne rencontrèrent aucune résistance sur leur passage. Puis l'odeur du sang vint leur chatouiller les narines et éveilla l'appétit dévorant qui les consumait. Au détour d'un couloir ils découvrirent les corps inanimés d'hommes en tenue de soldat, baignant dans de longues traînées sanglantes. Une aubaine suggéra Zurius qui voyait ici une bonne opportunité de remplir la panse de chacun.

Un loup pourtant s'opposa à ce festin. Un jeune Chasseur que l'on nommait Toriak, Aile Bleue. Il fit remarques que ces hommes ne portaient pas de blessures physiques et donc que la maladie avait dut les frapper. Il craignait que la meute n'emporte avec elle ce courroux foudroyant et préférait souffrir encore de la faim et chercher ailleurs plutôt que de faire courir ce risque.

Furieux de voir son autorité disputée, Zurius ordonna à Toriak de partir, mais celui-ci n'obéit pas. Il refusait de laisser la meute s'empoisonner alors qu'il s'enfuirait lâchement. Un jeune loup affamé ignora le chasseur et se jeta sur l'une des carcasses humaines. Toriak bondit, saisissant le jeune par l'échine, il l'obligea à reculer. Un combat s'amorça, entre Zurius et Toriak, accusé de traîtrise par l'Alpha. Etoile des Immaculés blessa lourdement Aile Bleue à l'une de ses pattes et victorieux, invita les siens à festoyer. Si la majorité de la meute des Rôdeurs du Nord se régalèrent, une poignée d'entre eux, habitée par le doute, s'abstint.

Le fracas d'une balle déchirant l'air glacial et se fichant dans la char chaude d'une louve mit fin au repas. Des Hommes furieux surgirent d'une porte et donnèrent l'assaut sur les loups qui prirent la fuite. Quelques Rôdeurs du Nord tombèrent sous les éclats de métal brûlant.

La meute retrouva les grandes étendues blanches balayées par les vents forts du Nord. Rapidement la majorité des loups furent pris de vertige et crachèrent leur sang. Il ne suffit que de quelques heures au poison pour infliger la mort aux loups. Zurius, dévoré par le remord, fut le dernier à tomber. Une petite poignée de survivants avaient été sauvés par l'hésitation d'un seul. Instinctivement, ils se tournèrent vers Toriak, Aile Bleue, et sa jambe boitante. Il prit alors la plus importante des décisions. Quitter le Nord et s'enfuir dans des régions plus tempérées.

"Les Rôdeurs du Nord sont tombés avec le dernier alpha de la lignée des Immaculés. Nous devons abandonner nos territoires, abandonner qui nous sommes et fuir nos terres, guidés par la lune." 

Ainsi naquit la meute Esobek, Œil de la Lune.

Armés de volonté, de courage et de détermination, les Esobeks quittaient les régions polaires du Nord, fuyant les tempêtes et la famine. La route fut difficile pour Toriak qui vit, impuissant, tomber ses compagnons de route, frappés par la faim, l'épuisement et la maladie. Après des jours de tempêtes, perdus dans les vents de glace sans manger, sans s'arrêter, les loups découvrirent à la lueur de la lune une route. Ici, la neige était moins haute, rongée par le sel que les Hommes répandaient pour transporter des cargaisons. Torial, Aile Bleue, qui se méfiait plus que tout des Hommes, décida malgré tout de suivre la voie qu'ils avaient bâti.

Il fallut plusieurs heures de marche aux loups pour découvrir une première véritable trace des Hommes. Un camion, couché sur le côté et abandonné. Les tempêtes avaient finalement eu raison du véhicule et de son conducteur qui avait visiblement succombé au froid. Dans la remorque fissurée, ils découvrirent les carcasses de moutons morts, à cause de l'accident, jugea l'Alpha. Malgré la faim, l'un de ses loups le mit en garde. Il lui rappela le sort de Zirius et des Rôdeurs du Nord, que la famine avait rendus moins méfiants. Toriak décida d'agir avec précaution. Il choisit un loup parmi eux pour se repaître de la chair gelée d'un des moutons, tandis que les autres patienteraient, pour voir si leur camarade céderait sous un poison. A l'abri dans la remorque, serrés les uns contre les autres, ils attendirent plusieurs heures. Rien ne frappa le loup que l'appétit plus désireux encore. Ainsi, la meute put se repaître des carcasses des moutons, leurs craintes apaisées. Torial accorda le repos aux siens avant de reprendre de nouveau la route.

Tant que le paysage ne serait que glace et tempête, Œil de la Lune suivrait inlassablement la route de l'Homme, longeant le chemin et se réfugiant si menace surgissait. Ainsi, la meute rejoignit les toundras plus tempérées. La tempête se tut, la neige baissa de niveau et dès que Toriak aperçut le bois des troncs sous la neige, les brindilles fragiles défiant le manteau blanc, ils décidèrent de quitter la route.

Mais l'Alpha avait appris nue important leçon. La présence des Hommes était dangereuse en tout points, mais elle offrait aussi beaucoup d'alternatives de survie quand tout semblait perdu. Aussi jamais la meute ne s'éloigna trop des routes. Ils s'implantèrent dans un petit territoire non loin des camps où les cargaisons de nourriture étaient les plus fréquentes.

Les cargaisons humaines menacées par la guerre qui se déplaçait, les Hommes connurent une exode massive. Toriak, soucieux de ce départ de leurs ressources, prit la décision d'abandonner les territoires pour suivre la piste des Hommes, mais toujours à bonne distance. Et il eut raison d'avancer avec prudence. Les transporteurs des cargaisons essuyèrent de violents bombardements qui détruisirent la quasi totalité de la caravane en déplacement. Les loups se contentèrent de peu mais au moins, ils survivaient. La guerre se multipliait autour d'eux et s'installer sur un territoire devenait impossible sans en payer le prix du sang. Les loups marchèrent des semaines durant jusqu'à arriver aux abords du village, destination de la cargaison.

C'est ici que les Esobeks rencontrèrent pour la première fois les Sekmets, Brasier Blanc. Et ces derniers ne comptaient pas l'accueil parmi leurs meilleurs qualités. En effet, Empress, Murmure d'Agonie, s'opposa vivement à l'installation des Esobeks dans la région. La nourriture pauvre et chère se disputait avec avidité ! Aussi les Sekmets donnèrent la chasse aux Esobeks pour les empêcher de s'installer. Des hostilités naquirent entre les meutes, mais pas de guerre, Toriak estimant les siens trop affaiblis par le voyage pour se livrer à une bataille. Ils se contentèrent donc d'esquiver les Sekmets au mieux.

Un jour où les Esobeks furetaient aux bord du Styx, explorant à la recherche d'un territoire digne de les accueillir, un Œil de la Lune aperçut une silhouette flottante dans les eaux noires. Ils secoururent le loup et le soignèrent, songeant que, s'il n'était pas solitaire, la meute à qui il appartenait leur serait redevable et les aiderait sûrement. Et ils eurent raison de le faire, car le loup en question n'était autre que l'Alpha Dariak, les Hurleurs de l'Aube, Atriam. Et Atriam, Seigneur du Ciel, offrit l'appui de sa meute pour aider Toriak et les siens à s'installer. Ils firent pression auprès des Sekmets et offrirent des terres agréables à la meute Esobek.