Some things don't change - feat Kheryel

Finwë & Kheryel

Le temps était plutôt instable aujourd'hui. Le soleil matinal avait peu à peu laissé place aux nuages sombres, qui avaient envahi le ciel en quelques instants, engloutissant l'astre tel un prédateur se jetant sur sa proie. Une brise fraîche s'était élevée et traversait les terres telle une furie, faisant s'agiter les feuilles en tous sens, de même que le pelage argenté de la louve qui marchait vers le lac d'ambre. Finwë avançait d'un pas léger, ses pattes la portant avec facilité. Bien qu'elle soit de carrure fine, ses muscles se définissaient sous sa fourrure et lui donnaient un air impressionnant. Le bras-droit n'aimait pas être inutile, aussi avait-elle décidé de patrouiller sur les terres au lieu de rester au camp à ne rien faire. Et la pluie qui menaçait de tomber sur eux à tout moment ne la décourageait pas dans sa tâche.
Luttant contre le vent, elle parvint au bord de la surface aqueuse, où elle s'arrêta avant de s'accroupir, pliant ses pattes sous son corps. Là, la louve s'abreuva longuement, lapant l'eau sans se presser. Le liquide presque glacial la revigora, et lorsqu'elle eut étanché sa soif, elle redressa la tête, laissant quelques gouttes d'eau troubler une dernière fois l'immobilité du lac en s'écrasant à la surface. Avant de s'éloigner totalement du bord cependant, Finwë se figea un instant, les yeux rivés sur son propre reflet qui ondulait encore légèrement. Elle failli ne pas se reconnaître. La dernière fois qu'elle avait observé son reflet, c'était bien avant son arrivée chez les Navnik. Lorsqu'elle jouait avec son frère Reithkin et qu'ils s'étaient amusés à comparer leurs différences dans une flaque. Depuis, elle n'y avait jamais fait attention, se détournant toujours de l'eau avec indifférence. Mais à ce moment-même, la louve qu'elle y décernée lui apparaissait presque comme une inconnue. Ses traits étaient plus fins qu'auparavant, plus marqués aussi. La fatigue se lisait sur son visage, probablement à cause de l'exode et de ces histoires de meutes à n'en plus finir. Sur sa joue droite, la cicatrice qui marquait son combat contre Elrön était encore visible, traçant un trait épais au milieu de ses poils. Ses yeux semblaient ternes, ayant perdu l'éclat de détermination qui les habitaient autrefois.
Les bruits de pas d'un congénère arracha Finwë à sa contemplation, et ses oreilles pivotèrent vers l'arrière, bientôt suivies par sa tête. Le regard de la louve s'adoucit à la vue de celui qui venait de la rejoindre, et une lueur d'affection traversa ses yeux d'un gris pâle. La louve se redressa et s'avança vers Kheryel, avant de frotter sa tête contre son encolure en arrivant à son niveau.  
«Je suis contente de te voir., le salua-t-elle d'un ton joyeux.
Il lui semblait que cela faisait une éternité qu'elle ne s'était pas retrouvée seule avec son compagnon, et le voir de nouveau en tête à tête allégeait son cœur et son esprit de tous les problèmes et questions qui y régnaient habituellement, même ne serait-ce qu'un instant.
-Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas retrouvés seuls., reprit-elle. Mais heureusement, certaines choses ne changent pas.»
Elle étira un léger sourire, plantant son regard dans celui azur de Kheryel.

Finwë & Kheryel

Lorsqu'il arrivé à côté d'elle, Kheryel donna à Finwë un coup de langue affectueux sur la joue.
«Moi aussi, je n'avais de cesse que de vouloir te revoir. Nous avions des responsabilités, surtout toi ces derniers temps, tu as protégé notre famille et notre meute à bout de pattes, je ne serais jamais plus fier d'une autre louve que de toi. J'espère qu'un jour tu pourras te reposer sur mes épaules comme tous le font à chaque instant., dit-il.
Finwë prit place à côté de lui, sa fourrure contre celle de son compagnon, et s'assit, contemplant le lac et ses horizons d'un air pensif.
-Je te remercie pour ces paroles, mais ai-je vraiment réussi à protéger les nôtres ? J'ai l'impression de n'avoir fait que de mauvais choix récemment, et me voilà le bras-droit d'une Alpha Sekmet. J'ai dû en décevoir plus d'un ... Que penserait ta sœur de tout cela ?, le questionna-t-elle.
Sa rencontre avec Heda lui revint en mémoire, et les mots durs mais emplis de vérités de la louve blanche résonnèrent dans sa tête. Elle avait raison sur toute la ligne, Finwë le savait. Mais comment faire pour rectifier cela ? Était-il trop tard ? Lorsque le bras-droit lui avait répondu que les Navnik n'étaient plus, elle en était convaincue. Mais maintenant ? Maintenant il lui semblait que l'ancienne gloire de sa meute reposait quelque part, enfouie en chacun des loups courageux qui continuaient de la suivre, attendant d'être réveillée pour retrouver son éclat d'autrefois. Cependant, aurait-elle le courage de s'en charger ? Et combien de vies faudrait-il encore détruire ? Combien de sacrifices devrait-elle faire pour obtenir un tel renouveau ? Avait-elle le droit d'exiger cela de ceux qui lui faisaient encore confiance ? De les mener à la victoire ... ou à la destruction totale ?
Trop de dilemmes, trop de questions, trop de choix à faire. Non, Finwë ne pouvait s'y résoudre. Pas si entreprendre quoi que ce soit pouvait coûter la vie de ses frères et sœurs de meute. Au fond, peut-être était-ce à cause de cela que beaucoup avaient déserté les Navnik. Leur bras-droit n'était plus que l'ombre d'elle-même, sans aucune motivation à se battre, s'écrasant sous le joug de Nilaya. Elle n'avait pas l'âme d'une dirigeante, et c'était pour cela que tout s'était effondré, pour cela que les Inkyva ne ressemblaient qu'à un énorme mensonge. Était-il trop tard ? Seul le temps le dirait ...
-Dis-moi, que dois-je faire ?», reprit-elle, tournant son regard implorant vers Kheryel.

Finwë & Kheryel

Comme à chaque fois qu'elle avait douté, à chaque fois que quelque chose n'allait pas, Kheryel sut trouver les mots pour la réconforter, la conforter dans ses idées même.
«Tu as fais ce que tu pensais être juste dans un moment où la mort était notre ennemie commune. Et pour cela, personne ne devrait t'en vouloir. Helya n'est plus là pour le moment et je pense que tu mérites la place qu'elle t'a confié. Sa famille est en sécurité et ses loups ne manquent de rien. C'était tout ce qu'elle voulait en fondant les Navnik. Quant au fait d'être sous les ordres d'une Sekmet. N'oublie pas Finwë, ne l'oublie jamais, que notre heure viendra et que jamais, je dis bien jamais, les Navnik seront morts, car tant que nous vivrons, ils continueront de vivre en nous, nous sommes ce qu'il reste et c'est pour cela, que nous ne les laisserons jamais seuls non plus. Crois en toi ma chérie, crois en tes convictions. Crois simplement en nous. Notre heure est proche tant que nous ne sommes qu'un. Séparés nous sommes faibles, ensembles, nous vaincrons. A la mémoire de ceux tombés pour défendre nos idéaux et à celles de ceux qui défendront ce que nous voudrons restaurer.
Lorsqu'il eut terminé sa tirade, Kheryel fixa la louve droit dans les yeux. Finwë lui rendit son regard, une lueur de détermination s'allumant de nouveau dans ses iris gris. Elle n'était pas seule, elle commençait seulement à s'en rendre compte. Son compagnon l'avait toujours soutenue et continuerait de le faire. Les Navnik la soutiendraient aussi. D'autre pourraient se joindre à eux, tout comme Heda l'avait fait même après avoir quitté la meute. Un autre nom flotta pendant quelques instants dans l'esprit du bras-droit, avant qu'elle ne le chasse de ses pensées. Elle ne savait même pas si son frère était encore en vie après l'épidémie qui s'était répandue sur leurs anciennes terres, et de toute façon elle doutait qu'il soit plus à l'écoute que lors de leur dernière rencontre. Il ne ferait que créer des problèmes inutiles au lieu de les aider. Elle n'avait certainement pas besoin de lui.
De toute façon, élaborer une stratégie prendrait du temps, comme elle l'avait dit à Heda. Elle attendrait d'avoir des nouvelles de la jeune solitaire pour passer à l'action, et en attendant c'était à elle de tout faire pour rallier le plus de loups possibles à leur cause. Pour reprendre ce qui leur appartenais. Pour remettre les Navnik à leur véritable place. Celle de meneurs, et non de soumis. Elle redressa la tête et rendit un coup de museau affectueux à Kheryel.
-Merci. Merci d'être toujours là pour moi et pour la meute. Tu as raison. Nous ne pouvons continuer de nous écraser face à Nilaya. Nous allons nous préparer et rendre aux Navnik leur gloire d'antan. Ensemble, nous y parviendront. Et alors ils apprendront qu'on ne se frotte pas aux Navnik sans conséquences. Ils apprendront à nous craindre de nouveau.», lança-t-elle d'une voix assurée.
Oui, qu'ils tremblent, car plus rien ne serait pareil lorsqu'elle sonnerait le départ de leur révolte.