Torak était ravi ! Dans le cadre de son apprentissage, son père l'avait emmené en patrouille avec lui sur leurs territoires. Le jeune mâle avait toujours admiré Epsilon, et l'avoir en tant que mentor était un vrai honneur pour lui ! Et malgré le fait qu'il soit le fils du grand mâle, Torak savait qu'il n'aurait pas de traitement de faveur, ce qui ne le dérangeait nullement. Si il voulait un jour devenir une grande sentinelle comme lui, il devait se surpasser et lui obéir sans hésiter, afin de suivre au mieux ses enseignements. C'est donc avec beaucoup d'impatience et d'excitation qu'il avait suivi son mentor ce matin, trottinant d'abord gaiement derrière lui, avant de reprendre un peu de sérieux lorsque son père lui avait fait quelques remontrances à cause de son manque de concentration. Maintenant vigilant, il calquait ses pas sur celui du mâle, ses oreilles tournant en toutes directions pour guetter le moindre bruit, son regard se promenant sur les recoins de la jungle. Lorsqu'ils parvinrent devant le vaste réseau de grottes parcourant ces terres, Epsilon y pénétra sans hésitation. Torak pencha la tête de côté avec curiosité, s'arrêtant devant. Puis il suivit son père. Après tout, quel meilleur endroit que les grottes pour s'y dissimuler si vous étiez un intrus ? Les sentinelles se devaient de surveiller cet endroit particulièrement. «Attends-moi !, lança Torak en s'engouffrant à la suite de son mentor. Il regretta quelque peu d'avoir crié de la sorte, sa voix se réverbérant sur les parois et résonnant dans la grotte. -Désolé ...», chuchota-t-il en apercevant le regard réprobateur d'Epsilon. Puis ils reprirent leur surveillance, aux aguets.
Depuis qu'ils étaient arrivés sur ces nouvelles terres, toutes les sentinelles de la meute travaillaient d'arrache-pied afin d'affirmer leur présence aux loups des environs. L'arrivée d'une aussi grande meute de loups était évidemment loin de plaire aux solitaires de la région, et il fallait jouer des crocs pour leur faire respecter les limites de leur territoire nouvellement acquis. Epsilon n'échappait pas à sa tache et patrouillait de longues heures chaque jours. Il ne s'encombrait pas de ses collègues, mais emmenait parfois son fils et apprenti avec lui. Rien de mieux que d'être sur le terrain pour apprendre son futur rôle de sentinelle. Au fond, il était fier que Torak ait choisi de prendre la même voie que lui. Son fils n'était pas des plus discrets, mais il était plein de bonne volonté et apprenait vite.
Surveillant tout particulièrement les grottes qui étaient aux alentours, Epsilon s'engouffra à l’intérieur, entendant son fils s'écrier de l'attendre. Lui lançant un regard froid, le loup blanc roula des yeux en reprenant sa route. C'était si compliqué que ça, de se taire ? Sokka y arrivait bien, lui. Comment se faisait t-il que Torak soit si... énergique ?
Mais sérieusement, c'est quoi le problème de ces abrutis avec le choix d'un territoire? D'abord un désert paumé au milieu du coin le plus mal fichu du monde, et cette jungle, humide à s'en noyer en respirant et plus verte flashy qu'un déchet humain. Ils peuvent pas prendre une simple forêt comme tout le monde? Le contraste est violent, en tous cas, niveau flotte en suspension dans l'air. J'ai l'impression d'avoir plongé dans une mare d'eau tiède, après l'autre plaine désolée. Au moins, je peux enfin me débarrasser de tout ce sable dans mes poils sans qu'il y revienne une demi-seconde après, mais maintenant j'aimerais bien un coin plus frais parce que les deux sont aussi brûlants l'un que l'autre. A se demander comment deux climats aussi extrêmes peuvent cohabiter ensemble sous la même température.
Et non, même après m'être pris un guerrier sur le coin de la tronche pour avoir osé outrepassé leur ligne d'odorante urine, je n'apprendrais définitivement jamais à respecter un territoire. J'ai déjà du mal à respecter des gens, alors une parcelle de terrain? Haha.
Mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir une certaine pitié pour eux quand je vois toute cette superficie recouverte d'arbres gigantesques. Ah, ça doit être marrant à patrouiller, ça, tiens. Peut-être la raison du fait que personne ne m'est encore tombé dessus pour me bouffer tout cru en guise de vengeance suite à l'infâme crime que j'ai commis en traînant ma carcasse de clébard sur leur glorieux territoire. C'est ça, excitez-vous, bande d'idiots, c'est vrai que je risque de tout rendre stérile et invivable par ma simple présence. De toute façon, c'est déjà le cas avec la moitié de vos terres, alors je ne fais que rendre votre bazar un peu plus homogène. Non mais à un moment, il faut faire des choix dans la vie, notamment celui de ne pas mettre à la fois une jungle et un désert dans son territoire, ou alors arrêter de pisser partout pour marquer votre possession divine. Je vous conseille la dernière option, juste comme ça.
Ceci dit, ces grottes sont une aubaine. L'air y est toujours aussi trempé, mais déjà un peu moins chaud, et rien que pour ça, je les aime bien. Je dis rien que pour ça, parce qu'elles ont moult autres raisons de me plaire, à commencer par la quantité d'objets utiles qui traînent ici. Bon, utiles ça se discute, mais intéressants, indéniablement. Des bouts de métal, des fournitures abandonnées, du tissu déchiré, des déchets impossibles à identifier mais qui ne manquent pas de réveiller mon excitation face à quelque chose d'humain. Je me demande même si ils ont seulement remarqué qu'il y a tout un trésor sous leurs pattes, ces abrutis, parce que même le dernier des demeurés finirai par se dire qu'il y a moyen de réutiliser tout ça. Non? En même temps, vu de qui on parle, ça ne m'étonnerai pas qu'ils soient juste partis en courant et couinant à l'idée de toucher quoi que ce soit d'origine bipède sans poil. Idiots.
Par contre, je me suis figé en entendant, sorti tout droit de l'obscurité de la grotte, un écho sur les parois. « Attends-moi ! » Une petite voix toute mignonne et innocente qui résonne dans les boyaux, qui m'est totalement inconnue donc je doute qu'on me parle, donc ils sont au moins deux. Deux loups de meute, joie. Et je ne sais pas quel est le sombre crétin qui s'est dit que manifester sa présence de façon aussi bruyante était une bonne idée, mais je le remercie pour la suggestion, parce qu'être un sombre crétin c'est mon grand passe-temps et que si quelqu'un peut s'amuser à faire autant de boucan ici il est hors de question que je ne puisse pas faire pareil.
J'ai inspiré un grand coup avant de pousser le bruit le plus atroce, guttural et effrayant de toute mon existence, mélange indescriptible d'aboiement, de grondement et de hurlement canin, qui s'est réverbéré sur les parois à m'en péter les tympans et qui a continué pendant de longues, très longues secondes, alors que je reprenais mon souffle, la gorge douloureuse. Et je ne peux pas retenir un grand sourire en tâtonnant dans l'obscurité dans le tas d'objets humains, à la recherche d'un débris métallique assez gros pour le lancer de toute la force de mes pattes le long de la pente descendante dans la grotte. Il se heurte à toutes les parois, un horrible cliquètement métallique qui succède à l'écho à peine faiblissant du précédent bruit. Et un deuxième, et un troisième, et je finis par m'arrêter par manque de munitions, hystérique de joie. « EH, PLANQUEZ VOUS LES SAUVAGES, ON ARRIVE ! » je hurle de nouveau, avec cet horrible timbre d'aboiement de clebs, et avant de détaler à toutes pattes vers l'opposé de l'origine du bruit qui a trahi leur présence, au milieu de l'écho intarissable de ma propre voix. Hors de question qu'ils m'approchent à moins de dix mètres après un coup pareil, ils peuvent toujours rêver pour m'attraper, maintenant, je me casse.
Alors qu'ils avançaient silencieusement dans les grottes, la quiétude fut brutalement brisée par un long hurlement au loin, qui résonna jusqu'au oreilles de Torak et le fit frissonner de par son ton fort et effrayant. L'apprenti se figea, soudainement beaucoup moins fier de se trouver là. Mais la présence de son père le rassura, et malgré la peur qui lui tordait les entrailles, il ne voulait pas se montrer faible devant Epsilon. Au prix d'un grand effort de self-contrôle, le jeune mâle parvint à dissimuler ses tremblements et à ne pas sursauter lorsque divers bruits métalliques s'ajoutèrent à une voix gutturale. «EH, PLANQUEZ VOUS LES SAUVAGES, ON ARRIVE ! Torak déglutit, mais c'est en entendant l'écho presque imperceptible de pas qui s'éloignent qu'il compris la ruse. Il ne distinguait qu'une seule foulée. L'inconnu était seul et prenait la fuite après sa blague très malvenue sur leurs terres. Le jeune loup lança un regard entendu à son mentor, puis tous deux s'élancèrent dans la direction de l'intrus. Torak galopait, impatient de retrouver cette vermine. Le bruit de ses griffes cliquetant sur la pierre se réverbérait le long des parois de la grotte, de même que son père et l'inconnu, ce qui permettait aux sentinelles de le suivre parmi ce dédale où il était facile de se perdre. L'apprenti n'était pas spécialement rapide ni endurant, mais il se dépasserait pour prouver sa valeur à Epsilon. Alors il sollicitait tous ses muscles, courant à larges foulées agiles, le regard rivé sur l'obscurité face à lui, attendant avec impatience d'y voir se dessiner à tout moment une autre silhouette lupine. -Allez, montre-toi ...», marmonna-t-il entre ses crocs.
Ils progressaient le long du tunnel, leurs griffes cliquetant à un rythme soutenu contre le sol de la grotte. Soudain, un cri guttural et sans aucun sens brisa le silence, bientôt suivi de bruits métalliques. Epsilon se figea, se plaçant devant son fils par sécurité. En attendant de savoir de quoi il s'agissait, mieux valait être prudent. Il ne tenait pas à mettre son fils en danger.
- EH, PLANQUEZ VOUS LES SAUVAGES, ON ARRIVE ! S'écria la même voix.
Il commençait à comprendre. Cet énergumène n'avait aucun autre but que de les impressionner. Et pourquoi un adversaire voudrait les impressionner ? Parce qu'il était en position de faiblesse. Tout le boucan qu'il provoquait ne pouvait être qu'un leurre, et cette ruse ne fonctionnerait pas avec lui.
La sentinelle lança un regard confiant à son fils avant de s’élancer le long du tunnel. L’intrus était probablement seul, mais si il s’avérait être accompagné, il renverrait aussitôt Torak chercher des renforts. Il n’était pas question qu'il laisse son fils se battre seul contre un loup adulte. L'air qui s'engouffrait dans la grotte allait dans leur direction. Il put rapidement localiser l'odeur de l’intrus. Un mâle solitaire, si son flair ne le trompait pas. Visiblement, ce petit malin avait essayé de les semer en prenant la direction opposée du bruit. Epsilon s’engouffra rapidement dans un tunnel qui remontait vers la surface. Ils n'allaient pas tarder à l'intercepter. Ce n'est qu'un fois dehors qu'il l'aperçut, détalant à toute vitesse. Resserrant les crocs, Epsilon s'engagea à sa poursuite. Il le rattrapa après quelques foulées rapides, lui barrant brutalement la route.
- Torak, derrière lui. Ordonna t-il à son fils. Ainsi placés, ils lui coupaient toute retraite.
- A quoi tu joues, crétin ? Gronda Epsilon en le toisant du regard. Il avait autre chose à faire que de jouer à cache-cache avec un idiot de solitaire. Cela dit, c'était une bonne mise en situation pour Torak.
Bon. Je savais que ça se finirai mal, hein? Et j'l'ai cherchée, celle-là, un peu. Il n'empêche que le bruit de leurs pattes à ma poursuite a quelque chose de foncièrement très énervant, énervant comme dans "je regrette presque de me battre aussi bien qu'un caniche sous-alimenté". Si je recroise un seul de ces deux abrutis hors d'ici, je jure que je lui fais payer pour leur manque terrible d'humour, meute ou pas. Ils ont de la chance d'être à deux cette fois.
Et je suis définitivement trop lent pour eux. Tiens, c'est rare, ça, généralement ils abandonnent la course assez vite, ils tiennent bien ceux-là, au sprint. « Torak, derrière lui. » Et l'énorme loup blanc qui vient d'apparaître brusquement devant moi - ça aussi c'est surprenant, j'aurais plutôt parié sur "je lui saute dessus pour lui arracher la gorge sans discussions mais faut croire qu'ils sont au moins un chouïa civilisés, étonnant - est presque suffisant à me faire regretter ce que je viens de faire. Seulement "presque", dommage pour vous, mais pour votre défense ça fait un moment que l'intimidation a cessé de marcher sur moi. Et énorme est une exagération, certes, mais le tas de muscle qui s'est planté à quelques mètres de moi, de mon point de vue de clébard chétif à peine nourri, est largement qualifiable de beaucoup trop massif.
« A quoi tu joues, crétin ? » Dis donc, ça n'est pas très gentil, ça. J'ai soutenu son regard sans sourciller, en me rendant compte un peu tard que j'ai toujours pas viré le sourire de mon visage. Bon, tant pis pour le respect que je suis censé leur devoir, hein. Et pour être honnête, c'était pas ma grande priorité non plus. « Le boucan aussi, c'est interdit, sur votre territoire ? Excusez moi, je ne savais pas que vous étiez occupés à méditer toute la journée et que je bouscule votre paix intérieure. Et honnêtement, ton gosse est aussi coupable que moi dans c't'histoire, mon gars. » J'ai passé ma langue sur mes babines en jetant un regard à l'autre loup qui s'est dit qu'il allait m'arrêter si je décidais de me casser par derrière. Ouais, c'est pas super convaincant, cette histoire. Il a quoi, six mois, cet abruti? Je parie un mois de nourriture que c'est lui qui a fait du bruit en premier. Au moins, quand l'autre me menacera de mort et que je chercherais une façon de m'échapper, par quel côté partir est un choix rapide à faire. Je lui ai adressé mon plus grand et creepy sourire en guise d'avertissement.
« Et dixit ceux qui essaient de m'étriper à chaque fois qu'ils me voient. J'trouve mes idées de bien meilleur goût qu'les vôtres, si tu veux mon avis. » Et bien plus créatives, aussi. C'est vrai, quoi, les tentatives de meurtre, tout le monde sait faire, moi au moins je suis au niveau supérieur du foutage de gueule monumental.
Malgré tous ses efforts pour allonger sa foulée, Torak n'était pas assez rapide, mais heureusement ce n'était pas le cas de son père. Epsilon le dépassa aisément et prit les devants. En sortant enfin de nouveau à la lumière du jour, Torak vit que la sentinelle avait rattrapé l'intrus et se tenait face à lui. «Torak, derrière lui., ordonna son père. L'apprenti s’exécuta aussitôt sans discuter. Il avait toujours obéi à son père, enfin presque. Et en tant que son apprenti, il se devait de l'écouter sans créer d'histoire, encore plus dans une situation comme celle où ils se trouvaient à cet instant. -A quoi tu joues, crétin ?, gronda Epsilon, à l'intention du solitaire cette fois. Le jeune loup n'avait que très rarement entendu son père user de ce ton, mais il savait que quiconque recevait des paroles de ce genre avait intérêt à bien se tenir si il ne voulait pas avoir de très gros problèmes. Cependant, l'intrus, un loup gris beaucoup moins impressionnant qu'Epsilon, ne savait pas cela, et il fit l'erreur de répondre avec encore plus d'insolence que Torak lorsqu'il était tout petit. -Le boucan aussi, c'est interdit, sur votre territoire ? Excusez-moi, je ne savais pas que vous étiez occupés à méditer toute la journée et que je bouscule votre paix intérieure. Et honnêtement, ton gosse est aussi coupable que moi dans c't'histoire, mon gars. Et dixit ceux qui essaient de m'étriper à chaque fois qu'ils me voient. J'trouve mes idées de bien meilleur goût qu'les vôtres, si tu veux mon avis., dit-il d'un ton amusé qui agaça les sentinelles. Blessé dans sa fierté par les paroles du solitaire, Torak ne put s'empêcher de répondre, même si il savait que cela ne plairait pas à son mentor qu'il intervienne ainsi. -Ce qui est interdit sur notre territoire ce sont les saletés de solitaires comme toi !, cracha-t-il, imitant la posture de son père et tentant en vain de paraître aussi impressionnant que lui. Et même les louveteaux à peine nés savent qu'il ne faut pas entrer sur les territoires des autres, alors soit tu es bête, soit tu cherches les problèmes, et dans ce cas tu les as trouvés.» Il fixa son regard ambré sur celui du solitaire qui s'était tourné vers lui avec colère, bien déterminé à faire déguerpir ce malpoli, par la force s'il le fallait.
Le solitaire soutint son regard avec un sourire en biais.
- Le boucan aussi, c'est interdit, sur votre territoire ? Excusez moi, je ne savais pas que vous étiez occupés à méditer toute la journée et que je bouscule votre paix intérieure. Et honnêtement, ton gosse est aussi coupable que moi dans c't'histoire, mon gars. Lança t-il en passant sa langue sur son museau, les yeux rivés sur Torak.
Epsilon resta de marbre, ne montrant aucun signe d'agacement. Cet imbécile de solitaire n'était même pas capable de détourner son attention avec plus de subtilité... Les prenait-il pour des idiots ? Ses paroles n'étaient destinées qu'à échauffer les esprits. Si il croyait qu'il allait pouvoir s'enfuir en fonçant vers Torak une fois qu'il leur aurait fait perdre patience, il se trompait. Quand bien même le jeune loup était encore loin d'égaler la stature du solitaire, il ferait un rempart suffisant pour laisser à Epsilon le temps de le rattraper.
- Et dixit ceux qui essaient de m'étriper à chaque fois qu'ils me voient. J'trouve mes idées de bien meilleur goût qu'les vôtres, si tu veux mon avis.
- Ce qui est interdit sur notre territoire ce sont les saletés de solitaires comme toi !, répondit Torak. Et même les louveteaux à peine nés savent qu'il ne faut pas entrer sur les territoires des autres, alors soit tu es bête, soit tu cherches les problèmes, et dans ce cas tu les as trouvés.
Torak n'avait pas pu s'empêcher de répondre à la provocation, mais cela n'était pas un problème. Il apprenait à tenir tête à plus fort que lui et à prendre confiance en ses capacités. Epsilon fit un pas en avant, coupant le contact visuel entre Rion et son fils.
- N'y penses même pas. Fit t-il.Si tu fais un seul pas en direction de mon fils, je te promets que tu n'auras plus l'occasion de refaire du bruit. Laisse-toi raccompagner à la frontière sans faire d'histoires et tu resteras en vie.
« Ce qui est interdit sur notre territoire ce sont les saletés de solitaires comme toi ! Et même les louveteaux à peine nés savent qu'il ne faut pas entrer sur les territoires des autres, alors soit tu es bête, soit tu cherches les problèmes, et dans ce cas tu les as trouvés. » Qu'il est mignon. J'ai manqué de pouffer - et ça s'est vu sur mon visage - en le regardant me déverser toute sa fierté blessée au visage. Quoi, c'est ça, la future génération de guerriers des meutes? Terrifiant, dites donc. « Et c'est toi le problème que je dois affronter? Je suis mort de peur, mon grand. Tu vas faire quoi, me chatouiller à mort? » On sous-estime probablement la capacité létale d'un louvard de six mois vexé dans son petit honneur. Je vais commencer à prendre mes distances avec lui, sait-on jamais qu'il prenne subitement la tête de mon classement des loups actuellement les plus dangereux pour ma vie.
« N'y penses même pas. » J'ai détourné mon attention du plus jeune vers l'origine de la voix, voix imposant par ailleurs déjà un peu plus de respect que Petit-Guerrier-Effrayant. « Si tu fais un seul pas en direction de mon fils, je te promets que tu n'auras plus l'occasion de refaire du bruit. Laisse-toi raccompagner à la frontière sans faire d'histoires et tu resteras en vie. » Oh, c'est ton fils? Ouais, en fait ça m'étonne pas tellement, vu son côté "j'imite papa pour faire peur", il lui manque juste les muscles au final. Et "sans faire d'histoire" est foncièrement incompatible avec mon mode de fonctionnement, tu m'en demandes beaucoup, mon gars. Mais bon, je vais essayer, vu la tête du bonhomme qui me menace, ça devrai se faire, si t'as du bol. Enfin, je ne garantis rien pour la suite, parce qu'après une humiliation pareille, je ne vais que moyennement bien contrôler le désir de vengeance de mon cerveau...
« Allez, avance. » Retenant un autre sarcasme acide - oh, vas-y, gronde moi dessus aussi tant que tu y es - j'ai étiré mon sourire en lui tournant le dos pour lui obéir, la queue toujours aussi haute. Eh, on est fier de ses conneries ou on ne l'est pas. Quoique, je dois admettre que sa façon de se débrouiller avec un solitaire insupportable m'étonne un peu, à sa place j'aurais plutôt proposé "je vais te foutre une raclée dont tu vas te souvenir avant d'aller te balancer du haut de la cascade à moitié mort pour que tu t'y noies" mais il faut croire que je paraîs tellement misérable que je fais assez pitié pour sauver ma peau. Ou bien ils préparent pire pour la suite, c'est largement possible aussi. Je vais parier là dessus. Et faire attention à mes arrières. Comme le confirment mes oreilles, sondant les environs avec une fébrilité digne d'un colibri effrayé, malgré ma démarche nonchalante après une bêtise aussi merveilleusement réussie. Arrête de râler, ça fera une leçon à ton gamin sur "comment ne pas réagir à la provoc d'un loup capable de te mettre à terre en deux secondes", et il en avait bien besoin.
Lorsqu'il entendit les paroles de l'apprenti, le solitaire se retourna vers lui avec un air moqueur. «Et c'est toi le problème que je dois affronter ? Je suis mort de peur, mon grand. Tu vas faire quoi, me chatouiller à mort ?, lança-t-il à Torak. Le jeune mâle sentit la colère monter en lui. Il détestait qu'on lui parle sur ce ton, et encore plus, il haïssait qu'on le prenne pour un louveteau. Il avait sept mois, bientôt il deviendrait une vraie sentinelle, alors qu'on le prenne de haut comme cela et qu'on se moque de lui blessait profondément sa fierté. Il s'apprêtait à rétorquer méchamment lorsque la voix de son père l'interrompit subitement. -N'y penses même pas. Si tu fais un seul pas en direction de mon fils, je te promets que tu n'auras plus l'occasion de refaire du bruit. Laisse-toi raccompagner à la frontière sans faire d'histoires et tu resteras en vie. Allez, avance. Torak prit une mine renfrognée. Voilà que son père lui aussi le prenait pour un petit sans défense. Couchant ses oreilles sur son crâne en signe de mécontentement, il lança un regard appuyé à son père, qui l'ignora superbement, était trop concentré sur l'autre loup pour le remarquer. Vu la carrure de l'intrus, Torak était sûr et certain de lui mettre une raclée ! Il aurait prouvé sa valeur volontiers si son père n'avait pas choisi la diplomatie et prit la tête pour amener le solitaire vers la frontière. Torak soupira, puis suivit la cadence, se plaçant derrière l'intrus au cas où il tenterait quoi que ce soit. -Et n'essaye pas de t'enfuir où on en finira avec toi !», marmonna-t-il à son intention. Ils marchèrent ensuite en silence à travers la jungle, Torak restant vigilant aux moindres faits et gestes de celui qu'ils escortaient. Qu'il tente quoi que ce soit, et il verrait qui était le louveteau dans l'histoire !
L'intrus se mit en marche, surveillé de près par les deux Inkyva. Son attitude était toujours aussi provocatrice, mais au moins il se montrait coopératif. Torak fermant la marche, le trio avança dans un silence pesant jusqu'à la frontière de leur territoire. Epsilon s'arrêta peu avant de la franchir, faisant un signe de tête au solitaire.
- Disparais. Fit t-il à son intention. Si je te reprends à traîner sur nos terres, je ne me contenterai pas de te raccompagner à la frontière.
Il montra les crocs, poussant un grondement rauque avant de se retourner vers son fils.
- Rentrons Torak. Fit t-il.
Ce genre d'avertissement suffisait à dissuader la plupart des intrus de revenir. Le peu qui osaient s'aventurer une deuxième fois sur leur territoire sans autorisation n'avaient plus aucune clémence de la part du mâle blanc.
« Et n'essaye pas de t'enfuir où on en finira avec toi ! » J'ai retenu un autre rire en entendant la petite pique frustrée du plus jeune à mon attention, sans détourner le regard de mon chemin. Non, mon grand, si je m'enfuis, ton père va en finir avec moi, toi tu vas te faire assommer à peine le combat commencé. Je t'assure que l'intimidation n'est pas encore quelque chose qui fonctionne avec moi, surtout pas de ta part. Puis m'enfuir pour aller où, sortir du territoire? De ce que j'en sache, c'est déjà ce que vous aimeriez tous les deux, il me semble.
Tiens, quand on parle de frontière. « Disparais. Si je te reprends à traîner sur nos terres, je ne me contenterai pas de te raccompagner à la frontière. » Parce que ça n'aurai pas été drôle sans une dernière menace de mort à mon encontre. « Si moi j'vous recroise hors d'ici, j'vous ferai visiter l'autre côté de la frontière, alors! » Et pas dans le sens touristique du terme, cette fois... Je lui ai jeté une dernière fois mon sourire jusqu'aux oreilles avant de détaler en ricanant, la queue haute à peine agitée par les soubresauts de ma course vers les terres libres, terriblement satisfait de moi-même. Que faire ensuite? Sûrement chasser. Hey, ça creuse, les conneries. Je leur aurai bien emprunté un lapin au passage, d'ailleurs...
De manière étonnante, les trois mâles parvinrent à la frontière des terres Inkyva sans le moindre débordement, l'intrus obéissant sans un mot ni un pas de travers, probablement trop peureux pour s'attaquer à Torak et à son père. D'ailleurs, ce dernier venait de franchir la limite, intimant au solitaire de faire de même. «Disparais. Si je te reprends à traîner sur nos terres, je ne me contenterai pas de te raccompagner à la frontière., lâcha-t-il en montrant ses formidables crocs. Torak tenta de l'imiter, prenant un air tout aussi agressif, son poil hérissé sur son dos. Même si il n'avait pas encore les muscles nécessaires pour être aussi impressionnant que la sentinelle, il savait qu'il faisait tout de même son effet et n'hésitait pas à en profiter. Cependant, l'autre sembla dans un premier temps ne pas comprendre le message pourtant très clair, lorsqu'il répondit avec insolence: -Si moi j'vous recroise hors d'ici, j'vous ferai visiter l'autre côté de la frontière, alors ! Torak sentit la colère monter en lui face au large sourire qu'il étira à leur égard. Et en plus il osait les menacer, eux ? Alors qu'il venait de se faire reconduire à la frontière et d'échapper à une sentence encore pire il osait dire de telles choses ? L'apprenti eut une envie soudaine de lui bondir dessus mais se retint en jetant un regard à Epsilon, qui malgré sa rage évidente restait de marbre, ne laissant transparaître aucune émotion autre que l'autorité qu'il venait de montrer. Le jeune loup eut beaucoup de mal à se contenir, ne souhaitant pas décevoir son père si proche de la fin de leur première mission ensemble. Le solitaire s'éloigna d'un pas bien trop sûr, et Epsilon se tourna vers son fils. -Rentrons Torak., dit-il simplement. Ce à quoi le concerné répondit un simple: -D'accord.» Il suivit le mâle jusqu'au camp, où il pourrait raconter ses exploits à son frère et aux autres loups de la meute.
Jeu 12 Mar - 12:09 par 
REIRA DE 
