Une clairière emplie de papillons volant en tous sens, frôlant avec insolence et inconscience les animaux qui s'y aventuraient, ne craignant aucun d'entre eux. Un endroit magnifique et féerique pour n'importe qui. Enfin, n'importe qui sauf Kira. Il y a plus d'un an, elle aurait été émerveillée par les insectes virevoltant autour d'elle et lui chatouillant le museau, mais aujourd'hui, leurs battements d'ailes incessants dans ses oreilles l'agaçaient au plus haut point. La louve de jais claqua des mâchoires dans l'air, manquant de peu l'un d'entre eux, et les quelques autres qui lui tournaient autour s'éloignèrent d'elle sans demander leur reste. Aux yeux de la louve, la beauté avait quitté ce monde en même temps que sa naïveté. Tout n'était que destruction et malheur, et ceux qui s'émerveillaient de voir une part de nature qui n'avait pas été souillée par l'Homme et y voyaient un signe de renouveau n'étaient que des idiots. Alors que la louve reprenait son chemin en trottinant, son but étant de quitter cet endroit au plus vite, un volatile insistant vint se poser sur son museau. Kira se stoppa net, loucha maladroitement sur le papillon et poussa un grognement pour le faire partir de là. L'insecte ne broncha pas, et Kira, impatiente, donna un brusque coup de crocs. Cette fois-ci, sa cible n'eut pas le temps de s'envoler, et lorsque Kira ouvrit la gueule, le petit corps sans vie tomba au sol sans un bruit. Elle le suivit du regard jusqu'à ce qu'il s'écrase dans l'herbe avec toute la délicatesse due à sa légèreté. C'était fou, comme la vie pouvait être éphémère. Une seule mauvaise décision, un seul pas de travers, une seule seconde d'inattention, et elle pouvait vous quitter sans prévenir, comme ça, d'un seul coup. Et quelques semaines plus tard, quand la nature avait fait son travail, vous n'étiez plus qu'un tas de cendres. Et alors on vous oubliait, comme les autres papillons de la clairière avaient déjà oublié leur congénère abattu il y a quelques secondes et continuaient à arpenter gaiement l'endroit, sans se soucier de quoi que ce soit. Une vie enlevée, un être oublié ou remplacé. Comme si chacun était totalement insignifiant dans ce vaste monde, et ne comptait en réalité aux yeux de personne. Kira le savait, si elle venait à mourir, personne ne serait à ses côtés, personne ne pleurerait sa perte. Elle avait tout fait pour, rejeté tout ce que la vie avait pu lui offrir pour devenir celle qu'elle était aujourd'hui, cette âme solitaire errant sans autre but que la vengeance, attendant son heure pour mettre cette dernière à exécution. Et après ? Après, elle se ferait oublier de nouveau, et continuerait d'errer seule. Et ce à tout jamais.
Véga était fatiguée. Pas seulement physiquement, mais aussi mentalement. Depuis la grande exode qui les avaient forcés à se réfugier sur ces terres inconnues, elle n'avait pas eu beaucoup d'occasions de se reposer. Il fallait assurer la survie de la meute. Une tâche qui lui revenait, en tant que bras-droit de Nocturne. Ces derniers jours, c'était la seule chose qui avait préoccupé son esprit : guider le peu des siens encore vivants jusqu'à un endroit en sécurité et veiller à ce qu'il ne leur arrive rien. C'était tout ce qui l'avait poussée à continuer. Elle ne savait même plus pourquoi pour quoi elle faisait tout cela. Pour avoir quelque chose à quoi se rattacher, surement. Elle ne voulait pas penser au reste. Elle savait pertinemment que cela ne l'aiderait en rien. A quoi bon ressasser tout ça ? Jamais les choses ne redeviendraient telles qu'elles étaient avant. Elle devait surmonter cette épreuve, comme elle avait surmonté les autres. Depuis quand avait t-elle autant besoin des autres... ?
Ces terres lui étaient encore inconnues, et elle ne faisait pas encore pleinement confiance à leurs nouveaux alliés. Rester au camp, ou elle était toujours sollicitée et sur ses gardes ne l'aidait pas. Elle avait donc fait une petite escapade, l'histoire de quelques hures. Cela lui rappelait une bonne époque. Une époque sans attaches. Sans famille. San rien qui puisse la blesser. Cela lui manquait, parfois. L'insouciance de la vie solitaire. Elle aurait pu continuer encore longtemps ainsi, si les hommes ne l'avaient pas privée de sa liberté. C'était à cause d'eux, toute cette souffrance. Encore aujourd'hui, indirectement, c'était à cause d'eux.
La clairière dans laquelle elle venait d'entrer avait une aura toute particulière. Avec ses papillons qui voletaient dans tous les sens, on l'aurait crue toute droit sortie d'un rêve. Elle vit alors quelque chose qui avait tout à fait sa place dans ses rêves. Une louve noire aux yeux rubis.
- K-Kira ? Hésita t-elle.
Encore ces hallucinations...? Non, depuis qu'elle avait rencontré Kobalt, elle n'avait plus rien eu de la sorte... Et, cela semblait sir réel... mais tellement improbable à la fois. Comment sa fille aurait t-elle survecu seule à l'exode ? Combien de chances avaient t-elles de se croiser ici ? Elle semblait differente de la petite louve qu'elle avait vu pour la dernière fois. Elle semblait plus forte, plus mure. Elle ne ressemblait plus réellement à l'image qu'elle avait d'elle. Pourtant, c'était bien sa fille. Véga l'aurait reconnue entre mille, et sans même avoir besoin de son flair. C'était bien elle. Et elle ne l'imaginait pas.
Sortant de sa torpeur, la louve fauve se rapprocha de Kira, effleurant son poil du sien. Elle sentit son cœur battre dans sa poitrine en croisant son regard. Ce louveteau qu'elle avait serré contre elle... Elle était devenue si grande, si belle. Elle ressemblait tellement à Kobalt. Sa musculature s'était développée, et même si elle n'égalait pas encore la sienne, elle laissait voir le fruit de nombreux efforts.
- C'est bien toi. Murmura Véga en glissant son encolure contre celle de sa fille. Tu m'as tellement manquée... Elle le serra contre elle, avec une délicatesse dont elle n'avait plus fait preuve depuis longtemps.
Bien que des dizaines de questions se bousculaient dans sa tête, elle profitait de cet instant unique. Cet instant qu'elle avait tant attendu, et qu'elle avait même cessé d’espérer.
Presque ironiquement, la solitude éternelle de Kira fut interrompue au moment où elle avait ces pensées. Une voix s'éleva, brisant le silence presque sacré de la clairière. «K-Kira ? Cette dernière fit volte-face, son regard interrogateur se posa sur la louve grise qui venait de l'interpeller. Elle eut à peine le temps de l'observer que la grise se lança dans sa direction, la prenant totalement au dépourvu. Kira se redressa et se figea lorsque l'inconnue glissa son encolure contre la sienne, surprise. -C'est bien toi. Tu m'as tellement manquée ..., murmura l'autre. Cette voix ... Cette odeur ... Soudain, des souvenirs défilèrent à toute allure dans l'esprit de la solitaire. La tanière où elle avait vu le jour, avec son frère, leurs parents les surveillant et leur mère leur donnant des coups de museaux affectueux. Son pelage doux contre celui des louveteaux et ses paroles rassurantes lorsque la nuit tombait et étendait son voile effrayant sur les yeux de Kira. Leurs entraînements qui se terminaient souvent en jeux, la petite louve noire riant aux éclats en essayant de vaincre Véga avec sa force inférieure. Puis le premier exode, pendant lequel Véga avait guidé sa fille dans les ténèbres jusqu'à leurs nouvelles terres, lui permettant de survivre malgré son handicap. Et enfin ce jour où Kira avait quitté la meute, sans se retourner, sans lancer le moindre regard vers celle qui avait toujours tout fait pour elle. Et maintenant elle était là, de nouveau face à elle. Une vague de tristesse et de bonheur envahirent la jeune louve, qui s'empressa de refouler ces sentiments signes de faiblesse sans plus attendre. Elle recula d'un bond, rompant le contact avec sa mère, claquant des crocs dans sa direction. Avec ce même courage insolent qu'elle possédait depuis quelques temps, elle planta son regard sanguin dans celui émeraude de Véga. Ses iris flamboyaient de colère. Alors qu'elle était devenue plus forte, qu'elle n'avait besoin de rien ni personne, voilà que son passé resurgissait d'un coup, sans prévenir, pour lui asséner un grand coup en pleine poitrine dans le but de la faire craquer, de réduire à néant cette longue année d'entraînement pendant laquelle elle s'était efforcée de devenir autre chose que la petite louve faible qui se laissait marcher sur les pattes en s’aplatissant au sol à la moindre menace. Alors elle n'écouterait pas son cœur, ne se laisserait pas aller à l'émotion. Sa mère ne pouvait plus l'aider désormais, elle ne comprendrait pas de toute façon. -Je ne pensais pas te revoir.», lâcha froidement la solitaire. Les pattes bien ancrées dans le sol, les oreilles couchées sur son crâne et son pelage hérissé sur son dos, Kira fixait Véga d'un regard qu'elle n'avait encore jamais osé lui adresser.
Véga sentit le corps de sa fille se raidir à son contact, ce qui provoqua en elle une étrange sensation. Kira avait toujours aimé venir se blottir contre sa fourrure, lorsqu'elle avait peur ou qu'elle avait froid. Cette fois-ci pourtant, elle ne resta contre elle pas plus de quelques secondes. Elle recula d'un bond rapide, accompagnant son geste d'un claquement de crocs dans sa direction. Véga ne bougea pas. Elle se contenta de croiser les yeux rubis qui étaient braqués sur elle avec une pointe d'incompréhension. Sa fille s'était éloignée d'elle comme si elle représentait une menace. Comme si elle était une parfaite inconnue. Dans ses yeux, elle pouvait lire la même souffrance que celle qu'elle avait endurée après sa captivité chez les hommes. Que s'était t-il passé... ? Quelles épreuves avait du traverser sa petite Kira pour se retrouver dans cet état ?
- Je ne pensais pas te revoir. Lâchafroidement la louve noire.
- Moi non plus, répondit Véga d'une voix douce et rassurante. Elle s'assit, enroulant sa queue entre ses pattes afin de ne laisser paraître aucun signe d'agressivité. Elle devait faire l’effort de ne pas se montrer émotionnellement troublée devant sa fille. Kira avait besoin d'elle. Elle avait besoin de se sentir en confiance. Elle avait besoin de se sentir aimée.
- Kira... J'aurais tellement voulu être capable de te protéger. Pardonne-moi pour avoir été une aussi mauvaise mère. Tu es ce que j'ai de plus précieux au monde. Tu as le droit de m'en vouloir, mais ne doute jamais de ça. Depuis le jour ou tu es partie, je n'ai pas cessé de te chercher.
Elle sentit son corps frémir. Non, elle ne pouvait pas se le pardonner. Pourquoi n'avait t-elle pas pu empêcher sa fille de partir ? Pourquoi n'avait t-elle pas été capable de la protéger, elle qui s'était promis que rien ne ferait jamais de mal à ses petits ? Le fait que Kobalt avait disparu n'était pas une excuse. Elle avait échoué.
- Même si tu ne veux plus me considérer comme ta mère... Ajouta t-elle. Saches que rien ne me rends plus heureuse que de te savoir vivante.
La voix de Véga ne perdit pas de sa douceur lorsqu'elle répondit simplement: «Moi non plus. La louve grise prit place tranquillement, comme si il s'agissait de la situation la plus normale du monde et qu'elles s'étaient parlées ainsi tous les jours depuis tout ce temps. Kira ne se laissa pas déstabiliser par le calme anormal de sa mère et maintint sa posture semi-agressive, ne bougeant pas d'un poil. Malgré son envie de partir loin de cet endroit et de détourner le regard de celle qui lui rappelait douloureusement son passé, elle n'en fit rien et écouta ses mots, silencieuse. -Kira ... J'aurais tellement voulu être capable de te protéger. Pardonne-moi pour avoir été une aussi mauvaise mère. Tu es ce que j'ai de plus précieux au monde. Tu as le droit de m'en vouloir, mais ne doute jamais de ça. Depuis le jour où tu es partie, je n'ai pas cessé de te chercher. Même si tu ne veux plus me considérer comme ta mère ... Saches que rien ne me rends plus heureuse que de te savoir vivante. Kira savait qu'elle disait vrai. Sa mère ne lui avait jamais menti, et avait toujours eu cette étincelle de sincérité dans son regard émeraude, qui brillait plus que tout à ce moment précis. La louve noire avait posé ses yeux rouges dans ceux de sa mère, mais dans les siens ne se trouvaient qu'un mélange de rage, de peine et de douleur. Pas envers la louve qui l'avait mise au monde, non, mais envers celle qui avait gâché sa vie. Celle qu'elle avait été alors trop faible pour affronter. -Isanagi., lâcha-t-elle comme si ce nom seul était la réponse à toutes les questions que Véga devait se poser. La colère prit le dessus sur ses autres sentiments, lui permettant de redevenir la louve froide et distante qu'elle était devenue et l'empêchant de flancher devant sa mère, faisant luire ses yeux sanglants d'une étrange lueur que la louve grise ne devait probablement avoir jamais vu chez sa fille. -C'était mon amie. Je n'étais pas la sienne. Personne ne m'a avertie. Et le jour où elle m'a humiliée, attaquée, moi la naïve petite Kira que tout le monde prenait pour une incapable, personne n'était là. Personne ne m'a retenue quand je suis partie. Personne. Pas même Eren. Pas même Ventus. Pas même toi. Son poil se hérissa un peu plus sur son dos, et ses pattes se mirent à trembler légèrement. Elle crachait ces mots tel un venin vers la première personne qu'elle croisait et en qui elle avait eu foi auparavant. Des mots blessants, sans aucun doute, mais elle s'en fichait. Elle était seule dans ce monde, et elle ne pouvait faire confiance à personne. -Alors la gentille petite Kira est partie en courant, tandis que personne ne la retenait., reprit-elle. Oh, elle en a vécu des aventures, mais pas le genre dont elle rêvait. Tu n'imagines même pas ce que j'ai traversé. J'ai rencontré des loups dont le but premier était de s'amuser à blesser les autres, j'ai subi des coups sans rien dire dans un premier temps, ce handicap que tu m'as gentiment offert à la naissance faisant de moi une faible, une moins que rien dans un monde où chacun suit la loi du plus fort. Alors je suis devenue plus forte. Moi aussi, j'ai fait du mal à ceux qui m'en faisaient. Aux autres aussi d'ailleurs. C'était assez compliqué les premières fois, mais ça a fini par m'amuser, de faire souffrir les autres. Alors j'ai continué, me débarrassant plus subtilement de ceux auxquels je n'avais pas la force de me mesurer. C'est fou ce que certaines petites baies peuvent faire comme dégâts, j'en étais malade la première fois que j'y ai assisté. On a arrêté de s'en prendre à moi, préférant ramper dans ma tanière pour des soins que je délivrais ou non en fonction de la vermine qu'était mon patient. J'ai traversé, seule, des jours et des nuits durant le chemin qui menaient de nos anciennes terres à celles-ci. J'ai bien failli me perdre plusieurs fois, et même mourir certaines nuits. Mais tu vois, je suis encore là. Et tout ce que je suis désormais, je le suis devenue grâce à moi et moi seule. Alors tu pourras dire ce que tu veux, je ne veux pas de mon ancienne vie. La seule raison pour laquelle je remettrais les pieds chez les Aldark c'est pour tuer celle à l'origine de tout cela. Isanagi. On me tuera probablement à mon tour pour avoir abattu un membre de la meute ce jour-là, il est même d'ailleurs fort probable que je ne repasse pas la frontière vivante. Mais je m'en fiche. Parce que j'aurais accompli mon but ultime, et la vie n'aura alors plus aucun sens pour moi. Kira lâcha un léger ricanement, sa queue battant l'air une nouvelle fois et son regard se levant au ciel. -Ce serait ironique n'est-ce-pas, que moi, après tout ce que j'ai accompli, je meurs sur les terres que j'essaye de fuir depuis tout ce temps ?» Ironique oui ... Le monde pouvait être bien cruel, mais quelle belle récompense que d'avoir accompli son ultime vengeance avant de lâcher son dernier soufffle.
- Isanagi. Répondit froidement sa fille. C'était mon amie. Je n'étais pas la sienne. Personne ne m'a avertie. Et le jour où elle m'a humiliée, attaquée, moi la naïve petite Kira que tout le monde prenait pour une incapable, personne n'était là. Personne ne m'a retenue quand je suis partie. Personne. Pas même Eren. Pas même Ventus. Pas même toi.
Véga sentait son cœur se serrer au fur et à mesure que Kira enchaînait les mots. Chacun d'entre eux lui faisaient l'effet d'un coup dans la poitrine. Elle comprenait mieux, maintenant. Si sa fille s'était enfuie du jour au lendemain, ce n'était pas sans raison. C'était à cause de cette louve, Isanagi. Elle avait fait du mal à Kira, sans que personne ne s'en aperçoive. Pas même elle, sa propre mère... Elle regrettait tant de ne pas avoir été là le jour ou sa fille avait pris la fuite. Si elle avait pu, elle l'aurait retrouvée, elle l'aurait rassurée, elle l'aurait protégée. Pourquoi n'était t-elle pas venue la voir directement ? Se sentait t-elle à se point abandonnée ? Se sentait t-elle à ce point honteuse de ne pas être capable de se défendre seule ? Avec ses responsabilités de bras-droit, Véga n'avait pas été suffisamment présente. Tout était de sa faute. Elle aurait du se rendre compte bien plus tôt de ce qui se passait. Et dire que pendant tout ce temps, Isanagi faisait comme si de rien n'était, juste à coté d'elle. Enfonçant ses griffes dans le sol, la louve fauve réprima sa rage. Depuis l’exode, Isanagi avait disparu, mais si elle la retrouvait, elle lui ferait regretter tout le mal qu'elle avait fait. Toucher à sa fille était une erreur impardonnable.
- Alors la gentille petite Kira est partie en courant, tandis que personne ne la retenait., reprit-elle. Oh, elle en a vécu des aventures, mais pas le genre dont elle rêvait. Tu n'imagines même pas ce que j'ai traversé. J'ai rencontré des loups dont le but premier était de s'amuser à blesser les autres, j'ai subi des coups sans rien dire dans un premier temps, ce handicap que tu m'as gentiment offert à la naissance faisant de moi une faible, une moins que rien dans un monde où chacun suit la loi du plus fort. Alors je suis devenue plus forte. Moi aussi, j'ai fait du mal à ceux qui m'en faisaient. Aux autres aussi d'ailleurs. C'était assez compliqué les premières fois, mais ça a fini par m'amuser, de faire souffrir les autres. Alors j'ai continué, me débarrassant plus subtilement de ceux auxquels je n'avais pas la force de me mesurer. C'est fou ce que certaines petites baies peuvent faire comme dégâts, j'en étais malade la première fois que j'y ai assisté. On a arrêté de s'en prendre à moi, préférant ramper dans ma tanière pour des soins que je délivrais ou non en fonction de la vermine qu'était mon patient. J'ai traversé, seule, des jours et des nuits durant le chemin qui menaient de nos anciennes terres à celles-ci. J'ai bien failli me perdre plusieurs fois, et même mourir certaines nuits. Mais tu vois, je suis encore là. Et tout ce que je suis désormais, je le suis devenue grâce à moi et moi seule. Alors tu pourras dire ce que tu veux, je ne veux pas de mon ancienne vie. La seule raison pour laquelle je remettrais les pieds chez les Aldark c'est pour tuer celle à l'origine de tout cela. Isanagi. On me tuera probablement à mon tour pour avoir abattu un membre de la meute ce jour-là, il est même d'ailleurs fort probable que je ne repasse pas la frontière vivante. Mais je m'en fiche. Parce que j'aurais accompli mon but ultime, et la vie n'aura alors plus aucun sens pour moi.
Elle se mit à ricaner.
- Ce serait ironique n'est-ce-pas, que moi, après tout ce que j'ai accompli, je meurs sur les terres que j'essaye de fuir depuis tout ce temps ?
Véga prit une profonde inspiration. Comme elle le redoutait, sa fille avait vécu des épreuves terribles... Elle ne ressemblait plus en rien à la Kira qu'elle connaissait. Pourtant, cette louve gentille et sincère n'avait pas disparu. Elle le savait. Il suffisait de l'aider à la retrouver, et Véga ferait tous les efforts possibles pour l'y aider. Plus jamais elle ne délaisserai sa fille. Plus jamais.
- Je vois, murmura t-elle. Si tu la détestes tant, pourquoi vouloir lui ressembler autant ? Isanagi serait certainement ravie de voir à quel point elle a réussi à te briser. La véritable force, ce n'est pas ce que tu es devenue. La véritable force aurait été de rester celle que tu étais malgré toutes les épreuves que tu as du traverser. Tu t'es contentée de te laisser transformer en quelqu'un que tu n'es pas. Mais... je sais qu'au fond, tu es toujours la petite louve que j'ai connu. Tu as pris de l'assurance, tu as appris à tuer, mais tu n'es pas quelqu'un de mauvais, et tu ne le seras jamais.
Véga insista bien sur le dernier mot, plantant un regard franc dans celui de sa fille. Elle pouvait bien tromper son monde. Elle pouvait bien se faire passer pour une louve froide et cruelle. Elle ne pouvait pas la tromper elle.
La seule réaction de sa mère fut de soupirer. Alors c'était tout ce qu'elle avait à dire ? Kira se demanda si elle n'aurait pas dû partir dès qu'elle l'avait aperçue. Elle s'apprêtait à remédier à cette erreur lorsque la voix de la louve grise s'éleva de nouveau, pas plus forte qu'un murmure cette fois-ci. «Je vois. Si tu la détestes tant, pourquoi vouloir lui ressembler autant ? Isanagi serait certainement ravie de voir à quel point elle a réussi à te briser. La véritable force aurait été de rester celle que tu étais malgré toutes les épreuves que tu as dû traverser. Tu t'es contentée de te laisser transformer en quelqu'un que tu n'es pas. Mais ... je sais qu'au fond, tu es toujours la petite louve que j'ai connu. Tu as pris de l'assurance, tu as appris à tuer, mais tu n'es pas quelqu'un de mauvais, et tu ne le seras jamais. A peine avait-elle fini de prononcer ces mots que Kira claqua des mâchoires d'agacement. Elle braqua ses yeux rouges droits dans ceux de sa mère, le regard empli de rage. -Je ne suis pas comme Isanagi !, hurla-t-elle. Alors tu préférerais que je reste une petite louve faible que tout le monde écrase ? Que l'on me prenne pour une incapable toute ma vie ? C'est ça que tu veux ? Parce que regarde où ça m'a mené, d'être une gentille et obéissante petite louve ! Il n'y a pas de places pour des loups de cette sorte dans ce monde. Je me suis entraînée sans relâche, j'ai appris à ne plus laisser parler mes sentiments, parce que c'est eux qui me rendaient aussi faible. Je ne vais pas te laisser gâcher tout ça ! Elle fit volte-face furieusement, sa queue battait l'air avec une telle force qu'elle pourrait le trancher si cela était possible. Dos à sa mère, elle respirait fortement, reprenant son souffle après avoir déversé toute sa rage sur la louve. Les paroles de Véga tournaient dans son esprit, la rendant folle. Car même si elle venait de les rejeter de toutes ses forces, même si elle refusait de les écouter, elle savait qu'elles n'étaient que des vérités qu'elle avait dissimulé au plus profond d'elle. Pour se donner bonne conscience, pour ne pas avoir à faire face à ce qu'elle était devenue lors de ses moments de doute. Et maintenant que Véga avait dit à voix haute ce qu'elle pensait d'elle-même à voix basse ? Elle n'arrivait plus à faire le vide dans son esprit où bouillonnaient des sentiments contradictoires, n'arrivait pas à faire taire ses pensées qui s'entremêlaient et lui embrouillaient la conscience. Elle ne voulait pas réfléchir aux mots de sa mère, elle ne voulait pas qu'ils la touchent. Et pourtant ... Pourtant une part d'elle lui hurlait d'arrêter de faire n'importe quoi, qu'elle pouvait s'en sortir autrement. Mais le pouvait-elle vraiment, ou était-ce trop tard pour elle ? Kira commença à pousser un léger grognement, qui s'amplifia petit à petit jusqu'à devenir un grondement effrayant. Elle en avait marre. Marre de ces loups qui tentaient de diriger sa vie, marre de ceux qui l'avaient gâchée, marre de ceux qui lui manquaient, marre de ceux qu'elle détestait, marre de ceux qu'elle aimait. Mais surtout, marre d'elle-même. Elle était née faible, elle le resterait toute sa vie, quoi qu'elle y fasse. Pourquoi ne pouvait-elle pas faire quoi que ce soit sans que son passé la rattrape aussi soudainement pour la détruire de nouveau ? Son grondement se transforma en hurlement lorsqu'elle se retourna et s'élança à toute allure vers sa mère. La louve noire traversa la distance qui les séparait en quelques foulées puissantes, puis bouscula la grise avec le peu de forces qu'il lui restait suite à cette discussion, la tête la première. Véga ne broncha pas, titubant à peine. Faible, elle était faible, une incapable ... Kira resta là, immobile, sa tête contre le poitrail de la louve qui l'avait toujours protégée et à qui elle venait probablement de briser le cœur en remerciement. La jeune solitaire ne bougeait plus, à l'exception de tous ses membres qui tremblaient sous l'effet de la colère qui commençait à s'estomper. Le vacarme dans sa tête s'était tu, laissant place à un calme aussi soudain que reposant. Le regard rivé vers le sol, Kira vit lentement son champ de vision se troubler, et bientôt une larme s'écrasa sur l'herbe verte, suivie par quelques autres. Elle ne parvenait pas à les retenir, ne contrôlait plus rien. Son cœur était envahi de sentiments qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Le soulagement, la quiétude, la tristesse, la joie aussi. Mais cette fois-ci ils étaient douloureux, différents à ses souvenirs. Elle resserra les crocs dans un dernier élan de rage. -Je ne suis pas comme Isanagi ...», lâcha-t-elle d'un chuchotement enroué. Mais cette fois-ci, la phrase sonnait plus comme une réalisation qu'un reproche.
Comme elle s'y attendait, Kira n’apprécia pas sa comparaison avec Isanagi. Furibonde, elle claqua violemment ses mâchoires dans sa direction, la fusillant de son regard rouge flamboyant.
- Je ne suis pas comme Isanagi ! S'enflamma t-elle. Alors tu préférerais que je reste une petite louve faible que tout le monde écrase ? Que l'on me prenne pour une incapable toute ma vie ? C'est ça que tu veux ? Parce que regarde où ça m'a mené, d'être une gentille et obéissante petite louve ! Il n'y a pas de places pour des loups de cette sorte dans ce monde. Je me suis entraînée sans relâche, j'ai appris à ne plus laisser parler mes sentiments, parce que c'est eux qui me rendaient aussi faible. Je ne vais pas te laisser gâcher tout ça !
Véga resta silencieuse, attendant que sa fille se calme. Cette dernière s'était mise à émettre un grondement d'abord léger, puis de plus en plus puissant. Sa véritable colère était tournée vers elle-même, et personne d'autre. Elle commençait sans-doute à comprendre qu'elle n'avait pas évolué, en essayant de se rendre aussi insensible et cruelle.
La louve noire finit par se retourner, hors d'elle, pour se ruer droit dans sa direction. Véga aurait pu l’esquiver, mais elle resta en place. Kira pouvait relâcher toute sa haine sur elle, si cela permettait de l’apaiser. Elle ne lui rendrait pas le moindre coup. Sa tête heurta son poitrail de plein fouet. Le souffle coupé, Véga recula d'un pas. Sa fille avait gagné en force, mais elle était encore trop jeune et trop légère pour pouvoir la renverser. Elle resta immobile tendis que Kira ne bougeait pas, sa tête accolée contre son poitrail. En sentant le corps tremblant de sa fille, Véga abaissa la tête, étreignant doucement son encolure contre elle. Sa fourrure était imbibée de larmes.
- Je ne suis pas comme Isanagi ... murumra t-elle.
Véga ferma les yeux, humant l'odeur qui lui avait tant manquée..
- Non, tu n'es pas comme Isanagi.Répondit t-elle d'une voix rassurante. Tu es bien meilleure qu'elle et tu le sais. Je n'aurais pas rêvé avoir une fille plus gentille et plus intelligente que toi, Kira. Pardonne-moi de ne pas avoir été là quand tu en avais besoin. Tu as été très courageuse.
Elle ressera son étrainte, adoucicant encore sa voix.
Toujours immobile, Kira sentit la tête de sa mère se poser contre elle, et ce simple geste qu'elle n'avait pas ressenti depuis trop longtemps la calma immédiatement. Ses tremblements cessèrent enfin, et elle se sentit soulagée d'un poids énorme. Elle avait craché toute la haine qu'elle avait sur le cœur et désormais elle se sentait ... vide. Comme si elle n'avait plus aucun but, plus aucune raison de ressentir quoi que ce soit. Et pourtant, une douleur continuait de la torturer au plus profond de son âme. Celle d'avoir fait trop d'erreurs, d'avoir commis l'irréparable. Qu'avait-elle fait ? Qu'avait-elle accompli en plus d'un an ? Qu'était-il advenu de son rêve d'enfant ? Elle était devenue guérisseuse certes, mais méritait-elle vraiment ce titre après tout le mal qu'elle avait causé ? Elle avait probablement détruit plus de vies qu'elle n'en avait sauvé. Et cette pensée seule lui donnait envie de disparaître. Elle avait honte d'elle, honte de ce qu'elle était devenue. Et sans ces retrouvailles inattendues, qui sait quelles choses horribles elle aurait été capable de faire ? Combien de temps, combien de morts encore avant que quelqu'un ne l'arrête ou qu'elle soit à son tour tuée ? Même aujourd'hui, combien de temps pouvait-elle espérer être en sécurité avant qu'un loup devenu fou de rage tout comme elle ne vienne la retrouver pour une quelconque vengeance ? Toutes ces questions lui torturaient l'esprit, et la culpabilité qui s'abattit soudainement sur elle faillit lui faire perdre consistance. Elle avait l'impression de sortir d'un cauchemar particulièrement terrible, elle se sentait faible et ses pattes semblaient pouvoir décider de ne plus la porter à tout instant. Cependant, elle resta debout et ne bougea pas, même si elle sentait que toutes ses forces l'avaient quitté. «Non, tu n'es pas comme Isanagi., reprit Véga. Sa voix fit relever la tête à Kira, qui fixa ses prunelles emplies de larmes sur le visage de sa mère. -Tu es bien meilleure qu'elle et tu le sais. Je n'aurais pas rêvé avoir une fille plus gentille et plus intelligente que toi, Kira. Pardonne-moi de ne pas avoir été là quand tu en avais besoin. Tu as été très courageuse. Ne pleure plus ... Je suis là maintenant. Cette fois-ci, Kira rendit son étreinte à sa mère. Elle enfoui son museau dans l'encolure de la louve grise, la douceur de son pelage l'apaisant et la rassurant, comme lorsqu'elle n'était encore qu'un tout petit louveteau. Comme lorsqu'elle était heureuse. Pouvait-elle espérer retrouver sa joie de vivre après tout ce qu'elle avait vécu ? Les choses seraient-elles un jour comme avant après tout cela ? Elle n'en était pas sûre. Mais une chose l'était en tout cas: -Tout est ma faute., commença-t-elle dans un murmure. Sa voix était presque inaudible, usée par ses cris. J'ai tout gâché, j'ai fait souffrir tant de monde et je m'en fichais complètement ... J'aimerais tant revenir en arrière. Mais maintenant je suis un monstre, plus rien ne sera jamais pareil. Et tout ça c'est à cause de moi ... Je te demande pardon ... Des noms traversèrent ses pensées. Ventus. Eren. Et même son mentor Astral. Qu'avaient-il bien pu penser d'elle ? La toux de son frère s'était-elle aggravée, l'avait-elle rendu encore plus malade sans être à ses côtés pour veiller sur lui ? Eren voudrait-il lui reparler un jour ? Est-ce qu'il pourrait la pardonner comme sa mère l'avait fait ? Et si il refusait de la voir de nouveau ? Elle ne s'en remettrait probablement pas ... Astral aurait certainement quelques paroles désagréables mais bien méritées à lui lancer à la figure à son retour ... Son retour ... Ces deux mots étaient venu naturellement, comme une évidence. Elle n'y avait pourtant songé qu'à l'instant. Revenir chez les Aldark ... Chez elle ... Était-ce encore chez elle d'ailleurs ? Elle craignait de ne plus avoir sa place parmi eux, d'être la honte de la meute ... Si seulement elle ne les avait pas quitté ... Si seulement elle n'avait pas abandonné tout ce qu'elle avait pour se lancer dans une quête aussi stupide qu'inutile ... Au final, il lui semblait qu'elle n'était pas plus forte qu'à son départ, au contraire. Songeant à tout ce qu'elle avait peut-être définitivement perdu, elle ne put retenir quelques sanglots, qu'elle tenta de dissimuler à Véga, en vain. -Je suis tellement désolée ...», hoqueta-t-elle. Isanagi lui était sorti de l'esprit, et l'éventualité qu'elle serait toujours chez les Aldark ne lui vint même pas en tête.
Sa fille se blottit contre son encolure, exactement de la même manière que lorsqu'elle était petite. Véga la serra contre elle, lui témoignant tout l'amour qu'elle n'avait pas pu exprimer pendant tout ce temps.
- Tout est ma faute. Murmura Kira d'une voix brisée. J'ai tout gâché, j'ai fait souffrir tant de monde et je m'en fichais complètement ... J'aimerais tant revenir en arrière. Mais maintenant je suis un monstre, plus rien ne sera jamais pareil. Et tout ça c'est à cause de moi ... Je te demande pardon ...
Véga sentait son cœur se serrer. Non, Kira n'était pas coupable de tout ce qu'elle avait eu à endurer. Elle n'était qu'une enfant qui avait été confrontée à des problèmes beaucoup trop grands pour elle. Les véritables coupables étaient celle qui l'avait faite souffrir, ainsi que ceux qui n'avaient pas su lui venir en aide.
- Je suis tellement désolée ... Sanglota sa petite.
- Calme-toi... Lui murmura Véga en fermant les yeux. Tu n'es pas un monstre et tu n'as rien à te faire pardonner. Tout le monde va être tellement heureux de te retrouver. Ne penses plus au passé. Il est derrière toi maintenant.
Elle recula légèrement pour essuyer une larme sous le coin de son œil.
- Je t'aime. Pardonne-moi de t'en avoir fait douter.
Si il y avait bien une chose qui n'avait pas changé depuis tout ce temps pour Kira, c'était la douceur de sa mère, autant dans son étreinte que dans ses paroles. Elle avait aussi ce don pour trouver les bons mots, ceux qui faisaient réfléchir, qui réconfortaient, qui permettaient d'avancer, de se sentir mieux. Lorsqu'elle n'était qu'un louveteau, la petite savait qu'elle pouvait toujours compter sur Véga pour l'aider avec les petits soucis de la vie quotidienne, lui expliquer quelque chose qu'elle ne comprenait pas par exemple, ou la rassurer quand l'obscurité de la nuit la terrifiait, tout simplement la réconforter et l'emmener chez un guérisseur lorsqu'elle se blessait en jouant ou autre, même si il ne s'agissait que d'une petite coupure à la patte. Toujours, Véga avait veillé sur sa fille, et toujours celle-ci avait su que dans n'importe quelle situation elle pouvait se tourner vers elle. Pourquoi ne l'avait-elle pas fait après son face à face avec Isanagi ? Cela resterait un mystère dans son esprit et dans celui de tous ceux connaissant la jeune solitaire. Un surplus d'émotions peut-être, ou une volonté de montrer au monde qu'elle pouvait se débrouiller sans eux ? Mais au final, à qui l'avait-elle prouvé ? Personne n'avait su ce qu'elle était devenue jusqu'à aujourd'hui, et désormais elle affrontait un torrent de sentiments qu'elle ne pouvait contrôler et qui lui faisaient tourner la tête en tous sens. Torrent qui se calma quelque peu quand la voix familière de celle contre laquelle elle se tenait retentit doucement à ses oreilles. «Calme-toi ... Tu n'es pas un monstre et tu n'as rien à te faire pardonner. Tout le monde va être tellement heureux de te retrouver. Ne penses plus au passé. Il est derrière toi maintenant., murmura-t-elle, apaisant quelque peu l'esprit de la jeune louve. Se reculant pour essuyer ses larmes, Véga ajouta: -Je t'aime. Pardonne-moi de t'en avoir fait douter. Cela, Kira n'en avait jamais douté. C'était d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles la culpabilité la rongeait désormais. Parce que malgré ce qu'elle avait toujours pensé depuis son départ, malgré le fait qu'elle les avait abandonné et qu'elle les avait fait souffrir comme jamais à cause de sa décision stupide, elle savait qu'il y avait des loups qui l'aimaient, aussi peu soient-ils. Sa mère était sans aucun doute celle qui tenait le plus à elle, et la solitaire l'avait toujours su, depuis sa naissance jusqu'à ce moment-même. La voir penser qu'elle n'avait pas fait assez pour elle, qu'elle ne lui avait pas prouvé suffisamment son amour provoqua chez Kira une nouvelle douleur au fond de sa poitrine. Quelle fille indigne elle avait pu être pour que sa propre mère puisse croire qu'elle n'en avait pas fait assez, alors qu'elle s'était toujours démenée pour elle et qu'elle avait été plus que parfaite ? Et malgré les paroles de la louve grise, Kira savait pertinemment que c'était là l'une des choses qu'elle ne pourrait jamais se pardonner. Cependant, il y avait une chose qu'elle se devait de réparer, une chose qu'elle aurait dû faire il y a bien longtemps. Elle se recula à son tour, secoua la tête pour débarrasser sa fourrure des quelques larmes qui lui avaient échappées, avant de fixer son regard dans celui de Véga. -Merci ..., commença-t-elle d'une voix faible, avant de reprendre contenance. J'ai quelques choses à régler, des plantes à transporter, des proies aussi. Les Aldark vont récupérer une nouvelle guérisseuse, au plus grand mécontentement d'Astral qui va probablement se remettre à me râler dessus. Une petite note d'amusement s'insinua dans sa voix lorsqu'elle prononça ces mots, se remémorant son mentor toujours grincheux et mal luné. Elle garda son regard empli de sincérité posé sur les émeraudes de sa mère, avant de s'éloigner d'elle pour se placer à quelques pas. -Ne t'inquiète pas, tu me reverras bien plus tôt cette fois-ci., lui dit-elle. Là, elle fit volte-face et commença à marcher dans la direction opposée, reprenant le chemin de sa tanière, où un grand travail de rangement l'attendait, ainsi qu'une réflexion longue et intense sur la décision qu'elle s'apprêtait à prendre. Néanmoins, après avoir traversé quelques longueurs de queue, Kira s'arrêta de nouveau. -Oh et ... Maman ?, ajouta-t-elle, se tournant une dernière fois vers elle. Moi aussi ... Je t'aime.» Sur ces mots, elle lui adressa son premier sourire honnête et sincère depuis son départ, et reprit sa route totalement changée par ces retrouvailles émouvantes.